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Persigny m’avait, depuis quelque temps déjà, donné de nombreux témoignages de sympathie, et je n’avais aucune raison de douter de leur sincérité. Je l’aurais admis parmi nous, si j’avais été le maître ; mais ni mes collègues, ni nos amis du Parlement n’y eussent consenti, et je dus donc, à regret, me priver provisoirement d’un concours dont j’appréciais l’importance. D’ailleurs, à ce moment suprême, il était périlleux de s’affaiblir par un remaniement quelconque. C’était également l’avis de l’Empereur : il demeura attaché à son ministère et le maintint contre toutes les manœuvres de la Droite.


II

Une des premières conditions du succès militaire est de ne pas révéler à l’ennemi les mouvemens des armées. A son arrivée au pouvoir, Bonaparte avait pris l’arrêté qu’en cette matière on doit considérer comme organique : « Le ministre de la Police générale notifiera à tous les journalistes qu’ils ne doivent se permettre de rien imprimer sur leurs feuilles de relatif aux mouvemens des armées de terre et de mer. » Il écrivit plus tard à Fouché : « Faites défense aux gazettes du bord du Rhin de parler de l’armée pas plus que si elle n’existait pas. » Il tint constamment éloignés de ses camps « ces factieux qui vendraient leur patrie pour augmenter le nombre de leurs abonnés. » L’expérience a démontré, en cette matière comme en tant d’autres, la sagesse des règlemens du grand Empereur. En 1830, le dénombrement de nos troupes, l’indication des points de station lors de l’expédition d’Algérie, jusqu’au lieu de débarquement, avaient été divulgués par les journaux d’opposition. Pendant toute l’expédition de Crimée, les généraux anglais n’ont cessé de réclamer contre le grave préjudice que l’indiscrétion des journaux occasionnait à leurs plans de campagne. Le prince, qui fut depuis l’empereur Alexandre, disait au général français Legendre, fait prisonnier à la veille de l’Alma : « Nous n’apprenons pas grand’chose par vous, mais la presse anglaise nous fournit nos informations, et certes elle nous a été d’une utilité inappréciable. » Le général Simpson écrivait à lord Panmure, ministre de la Guerre, le 25 juillet 1855 : « Il y a dans le Morning Post un paragraphe qui donne le nombre exact de nos gardes aux tranchées, aux lignes de renfort, etc.