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au Danemark et aux principaux Etats de l’Allemagne, pour protester contre l’embargo mis par Jean Bart sur les vaisseaux de la rade[1].

La situation devenait des plus critiques. Le prince français avait appris par l’ambassadeur de la République polonaise la marche hostile de l’armée saxonne. Aucun corps assez considérable ne s’était formé pour tenir la campagne en sa faveur. Les résolutions de l’assemblée d’où était partie son élection n’avaient pas été exécutées. Il n’avait trouvé ni plage hospitalière pour débarquer son monde, ni armée sérieuse pour le recueillir. Il avait eu des mains pour l’applaudir, aucun bras pour le défendre. « Au moins, écrivait-il, il avait su s’empêcher d’être dupe des ovations. » Il n’avait embarqué avec lui aucune illusion.

Cependant, il lui restait encore une lueur d’espoir. La Diète générale avait été convoquée en Pologne pour le 10 octobre, et la noblesse polonaise « devait se tenir en divers lieux à main année pour s’opposer par force à l’Electeur[2]. » La Diète ne put se réunir que le 17. Elle fut unanime pour le prince de Conti ; malheureusement, l’approche des troupes saxonnes l’obligea à se disperser et rendit son vote nul. Les Sapieha avaient disparu. Polignac, alors retiré auprès de Stettin, en fut consterné. Le prince tint à ce sujet plusieurs conférences avec les sénateurs. « Ils n’ont sçu eux-mêmes que luy dire, » écrivait l’ambassadeur au roi de France, et, grave nouvelle, voici ce qu’il lui faisait pressentir[3] :

« Comme la saison fort avancée oblige l’escadre de V. M. à quitter la rade en peu de jours, je crois le prince résolu à s’en retourner avec elle, plutôt que de mettre pied à terre sans avoir de troupes réglées ny une place de sûreté meilleure que Marien-bourg. » Polignac lui-même se résignait ou avait la main forcée.

Dans sa précédente dépêche, Louis XIV avait approuvé la réserve de son prudent cousin, son peu de hâte à descendre à terre et à se faire donner le titre de roi. Il avait enjoint à Polignac de régler sa propre attitude sur celle de Conti. Cette fois, le Roi, irrité de voir tant d’entraves apportées au projet qu’il

  1. Archives de Dantzig, 6, 8 et 15 novembre.
  2. Gazette d’Amsterdam, n° LXXIX.
  3. Polignac à Louis XIV, 30 octobre 1697, près d’Oliva. A. E. Pologne, 96, f° 237.