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Il obéit à un sentiment analogue lorsque, après avoir admiré les tapisseries incomparables suspendues, pour la procession, aux murs de l’Hôpital, il écrit, dans ce beau morceau que je ne puis m’empêcher de citer encore : « Le soleil, qui s’abaisse sur l’horizon et va bientôt quitter la cour, n’éclaire plus que les tapisseries faisant face au couchant, mais il les imprègne d’une lueur plus chaude, d’un éclat plus intense, succédant à l’or tendre du matin. La vue de ces beaux atours changeant d’apparence avec l’heure, diversifiant sans cesse leurs magnificences, fait mieux comprendre à quel point les décorateurs d’autrefois eurent le sentiment et la maîtrise de leur art, eux qui ne tenaient pas les tapisseries perpétuellement reléguées dans les églises et les appartemens, qui aimaient à tes exposer en plein air et en faisaient le luxe extérieur des jours de fête. Hardiment, ils les appliquaient alors au fronton des cathédrales, sur le péristyle des palais, sur la façade des demeures ; ils les faisaient se mouler sur les courbes et les saillies de l’architecture, grands tableaux souples, aux nuances délicieusement fondues ; ils les livraient au soleil, qui ravivait leurs tons et se jouait à l’aise dans leurs moelleuses profondeurs… Qu’elles étaient mieux inspirées, ces générations réputées barbares, lorsqu’elles déployaient, sur le passage des grands de la terre ou des pompes religieuses, une harmonie de couleurs, un monde de formes et d’êtres imaginaires, et donnaient aux vivans cortèges, aux entrées, aux processions, aux triomphes, cet accompagnement de chatoyantes visions[1] ! »


Chez Vandal, comme on voit, l’artiste et l’historien font perpétuellement bon ménage ; et, si j’ai insisté sur ce côté de son talent, c’est que je crois y reconnaître une de ses caractéristiques, une des raisons qui donnent à ses graves et sévères ouvrages un charme si particulier. Certes, en ses études historiques, il recherche passionnément le document direct et la pièce authentique, remonte aux sources, compare, pèse, vérifie les textes, et je ne connais pas d’auteur plus probe, plus scrupuleux ni plus soucieux de vérité ; mais ce travail préparatoire, ce travail nécessaire, il le fait pour son propre compte, il n’en écrase pas le lecteur, et, cette besogne terminée, il donne la

  1. La Fête-Dieu à Beaune. Revue des Deux Mondes du 1er septembre 1898.