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réussi à s’étendre beaucoup plus loin. L’Est, le Paris-Lyon-Méditerranée, l’Orléans ont résisté : dans ce dernier réseau même, pas un seul train n’a manqué. Le Midi a été un peu troublé, mais là comme ailleurs, tout est rentré dans l’ordre au bout de peu de jours. Lorsque le Comité de la grève en a proclamé la fin, elle était déjà finie ; le Comité a simplement enregistré un fait et, pour sauver sa face, s’est donné l’air de l’ordonner. Les choses se seraient passées autrement si les cheminots, dans leur majorité, avaient été favorables à la grève, mais ils ne l’étaient pas ; on a pu le voir à la rapidité et à la facilité avec lesquelles ils se sont soumis aux ordres de mobilisation qui leur avaient été individuellement adressés. Ceux qui y ont désobéi ont été peu nombreux. Du jour au lendemain, les cheminots ont arboré le brassard militaire : on a même pu croire qu’ils voyaient assez volontiers dans cet emblème une sorte de défense et de protection contre leurs syndicats. Les Compagnies n’ont pas été moins fermes que le gouvernement ; elles ont révoqué les réfractaires et ont déclaré qu’en aucun cas, elles ne les reprendraient. Il faut espérer que cet engagement sera tenu et que, cette fois du moins, l’indiscipline sera punie comme elle aurait dû l’être toujours. La grève donc n’a été ni générale, ni de longue durée. Les prévisions de M. le président du Conseil se sont réalisées jusqu’au bout. En revanche, les actes de sabotage les plus odieux l’ont accompagnée et suivie. Des trains ont été arrêtés, ce qui est pour les voyageurs le moindre péril ; mais d’autres ont été menacés de déraillement, des rails ont été enlevés, des poutres ont été placées sur la voie, des fils servant à manœuvrer les signaux ont été coupés, des bombes ont été mises dans des wagons, ou déposées dans des maisons privées, où elles ont fait explosion, et c’est merveille si nous n’avons pas eu à déplorer les pires accidens. Le mérite en revient incontestablement aux mesures prises pour veiller à la sécurité des voies ferrées dans les endroits où les entrepreneurs de sabotage auraient pu exercer le plus utilement leur sinistre industrie. On a senti partout une pensée vigilante et une activité résolue. Enfin, le gouvernement n’a pas hésité à ouvrir des instructions judiciaires contre les principaux meneurs et à les arrêter. On sait comment l’opération s’est faite. Les meneurs qui se savaient l’objet de poursuites se sont réunis au siège de : l’Humanité, le journal de M. Jaurès. M. Lépine, accompagné de ses agens, s’y est rendu et y a procédé en personne aux arrestations. Il y a eu des protestations, des commencemens de discours, des manifestations un peu puériles dont l’effet, qu’on espérait devoir être solennel, a été