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de la passion, des mesures improvisées en séance ; je vous demanderai de résister à un entraînement qui ne serait pas digne d’une assemblée républicaine. De tels problèmes méritent un sérieux examen. Je ne saurais loyalement engager la responsabilité de mes collaborateurs au-delà des délibérations auxquelles ils ont participé, mais ce que je puis vous dire, c’est que le gouvernement se saisira demain de ces problèmes complexes. » On remarquera ces mots : « Je ne saurais engager la responsabilité de mes collaborateurs au-delà des délibérations auxquelles ils ont participé. » Ils ont été remarqués par la Chambre et y ont provoqué des sentimens très divers, de satisfaction à l’extrême gauche, d’étonnement au centre. Eh quoi ! dans une situation comme celle où nous sommes, inquiétante, certes, et dont M. le président du Conseil n’a nullement atténué les périls, le ministère n’a pas encore pris son parti sur les mesures à proposer. De cela aussi « une leçon se dégage, » à savoir qu’à l’unité d’action des ennemis de la société il faut opposer un gouvernement uni. On parle beaucoup d’anarchie depuis quelque temps : ce n’est pas du côté de ceux qu’on appelle communément les anarchistes qu’on en reconnaît les symptômes les plus significatifs. Bien qu’ils aient été vaincus dans le dernier conflit, ils sont fortement organisés et ils préparent leur revanche. En face de cette armée entreprenante et nullement découragée, le gouvernement confesse qu’il n’est pas encore à même d’engager, pour les résolutions à prendre, la responsabilité de tous ses membres. Un pareil aveu n’est pas fait pour diminuer l’audace des ennemis de la société !

Nous n’employons pas un mot trop fort en parlant d’ennemis de la société : nous restons dans les termes des communications officieuses qui ont été faites à la presse pendant la crise et des explications que M. le président du Conseil a données à la Chambre le jour de la rentrée. Lorsque la grève a éclaté, il semble bien que le gouvernement n’en a pas été surpris ; il était renseigné ; il a pu, dès la première minute, préciser le caractère du mouvement. « Ce n’est pas une grève au sens légal du mot, a dit M. Briand aux journalistes qui étaient venus l’interroger, mais une entreprise criminelle de violence, de désordre et de sabotage. Le mouvement n’a rien de professionnel, il est purement insurrectionnel. » M. Briand n’avait pas parlé à la légère ; les faits lui ont tout de suite donné raison. Cette grève, annoncée comme devant être générale, s’est réduite en réalité à peu de chose. Commencée sur le chemin de fer du Nord, elle a gagné aussitôt le chemin de fer de l’Ouest-État, mais elle n’a pas