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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Nous avons eu rarement, grâce à la grève des chemins de fer, une quinzaine aussi agitée que celle qui s’achève. La rentrée parlementaire en a subi le contre-coup : elle a été l’occasion, au Palais-Bourbon, de scènes très bruyantes, turbulentes et indécentes. M. le préfet de police, qui se trouvait près de l’hémicycle de la Chambre des députés, a été pris à partie par les socialistes unifiés de l’extrême gauche avec une brutalité telle qu’il a fallu suspendre la séance ; mais ce n’est là qu’un épisode ; la confiance, la reconnaissance publiques ont placé M. Lépine très au-dessus des vociférations qui ont cherché à l’atteindre ; le déchaînement d’injures, dont il a été le prétexte, a montré seulement que les socialistes unifiés, furieux de l’échec de la grève, en voulaient mortellement à l’homme ou aux hommes qui leur ont barré le chemin. Après avoir, comme ils disent, « exécuté » M. le préfet de police, ils ont essayé d’exécuter M. le président du Conseil, et si M. Briand n’avait pas eu un sang-froid aussi imperturbable et une voix aussi sonore, ils auraient étouffé sa parole sous leurs cris. Son éloquent et courageux discours a été haché d’interruptions continuelles.

C’est une grande gêne pour un orateur, quelque exercé qu’il soit, de parler au milieu du tapage. M. le président du Conseil a cependant surmonté celle-là ; mais, à la fin de son discours, il a paru en proie à une autre, d’un ordre plus intime ; il a laissé entendre qu’il n’avait pas encore réussi à se mettre d’accord avec tous ses collègues du Cabinet sur les mesures à prendre pour prévenir le retour d’épreuves analogues à celles d’hier. « Des événemens de ces jours derniers une leçon, a-t-il dit, doit se dégager. Il n’est pas possible que demain, après-demain, sans cesse, le pays soit exposé aux mêmes événemens. On vous proposera peut-être, au cours de ce débat, sous l’influence