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et Mlle du Minil, de celui de la Préfète, peu avantageux surtout lorsqu’il tourne au rôle de raisonneur. Mlle Berthe Bovy s’est taillé un franc succès dans le bout de rôle de Mme Leloutre. M. Grand, en Robert de Latour-Guyon, a montré plus de légèreté et d’agrément qu’à son ordinaire. Tous les autres rôles sont très convenablement tenus.


Les Marionnettes offrent avec Comme ils sont tous d’assez frappantes analogies soulignées par ce fait que les mêmes emplois y sont tenus par les mêmes acteurs. Encore une fois, Mlle Piérat a des ennuis dans son ménage et M. Grand a tous les torts. Toujours gentilhomme, M. Grand, qui cette fois encore a élevé jusqu’à lui une petite bourgeoise, s’appelle maintenant le marquis Roger de Montclars. Robert… Roger… pourvu que nous n’allions pas embrouiller ces prénoms également aristocratiques ! Donc Roger a mené si joyeuse vie qu’il est complètement ruiné. Sa mère, qui l’a mandé au manoir familial, lui tient à peu près ce langage : « Tu as deux cent mille francs de dettes. Je consens à les payer et en outre à t’entretenir largement, à une condition : c’est que tu épouseras une jeune fille de la région, qui vient justement de sortir de son couvent. Elle s’appelle Fernande. Elle est la nièce de M. de Ferney. Tu ne la connais pas, mais je la connais ; elle me plaît, ça suffit. Si tu refuses, deux cent cinquante francs de pension. Choisis. » C’est tout choisi, et vous n’en doutez pas. Se marier pour payer ses dettes, même quand c’est votre mère qui les paie, ce n’est jamais très reluisant. Et se marier, par ordre, avec la petite provinciale que vous a choisie votre maman, pour don Juan c’est diantrement humiliant. Roger de Montclars en a la sensation très nette. Mais il s’est avisé d’un moyen pour mettre sa dignité à couvert. Ce moyen qu’un autre n’aurait probablement pas inventé, et dont il se montre justement fier, est celui-ci. Il épousera la jeune fille imposée ; c’est entendu : il n’y a pas moyen de faire autrement : les dettes crient. Mais d’ailleurs il ignorera la marquise. Il continuera de vivre comme par le passé. Il adressera la parole à Mme de Montclars moins souvent qu’à ses domestiques et surtout avec moins d’égards. Ainsi fait-il. Il avait prévenu Fernande. Il tient ses engagemens. Il est loyal. — Il dit : Je suis loyal, en toutes lettres. Il ne va pas jusqu’à exalter sa délicatesse, mais il proclame sa loyauté, je vous assure. — Telle est l’histoire du marquis Roger de Montclars, le loyal gentilhomme, ainsi qu’il la raconte à son ami Pierre Vareine. Nous nous flattons d’abord qu’il exagère, qu’il se vante, qu’il en ajoute. Mais pas du tout. Le voici en présence de sa femme, et il en