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L’AMÉRIQUE AU XVIIIe SIÈCLE
D’APRÈS UN VOYAGEUR FRANÇAIS

La fusion, en un peuple nouveau, d’élémens de races anciennes et disparates entre elles, est peut-être le plus surprenant des résultats sortis de ce laboratoire, fécond en expériences imprévues, que sont les Etats-Unis. Certes, trop d’apports étrangers passent ici par le creuset pour que, dès aujourd’hui, un type physique exactement précis se dégage des croisemens de race. Mais, déjà, les contacts que les immigrans les plus récemment installés ont eus avec le sol de l’Amérique septentrionale réussissent à les marquer d’un caractère commun. Les Français qui, depuis une dizaine d’années, ont au retour d’un séjour aux États-Unis noté leurs impressions, marquent de l’étonnement devant cette force qui transforme en citoyens américains des immigrans quelconques. On ne s’est guère enquis des causes de cette évolution si prompte. On s’est surtout attaché à la peindre sous ses aspects pittoresques. Le fait est que, pour discerner les traits qui, dans ce qu’il y a de définitivement formé, établissent le caractère de l’Américain du Nord, il faut découvrir, sous les apparences actuelles, les lignes qui donnèrent son expression première à la jeunesse d’un peuple jeune. Les heures de transformation radicale qui sonnèrent de 1775 à 1783, au cours de la lutte que ceux qu’on nommait en Europe des « insurgés » soutinrent pour conquérir leur indépendance, devaient offrir à des observateurs bienveillans une occasion favorable pour surprendre sur le vif la vraie physionomie de l’Amérique naissante. Cette jeune nation eut alors l’heureuse