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latin, n’a pas hésité à annoncer qu’il serait bientôt tout entier en république, l’Espagne et l’Italie ne pouvant pas manquer d’imiter l’exemple que le Portugal venait de leur donner, et qu’alors on ferait une grande fédération comprenant tous ces pays et la France. Singulier diplomate que M. Lima ! Nous lui prédisons que s’il devient, comme il n’en doute pas, ministre plénipotentiaire, il sera difficilement accepté à Madrid et à Rome. Il devra donc rester à Paris où la république ne fait pas peur ; mais ne s’est-il pas un peu pressé en envoyant un télégramme de sympathie et de pleine adhésion au Congrès radical et radical-socialiste de Rouen, au moment même où ce Congrès votait une motion de guerre contre le gouvernement auprès duquel il prétend représenter le sien ? Et voilà pourquoi nous craignons que les républicains portugais, qui savent tout ce qui est dans les livres, n’aient beaucoup à apprendre de la vie.

Il faut signaler le caractère violemment anticlérical de la révolution nouvelle. Le premier acte du gouvernement a été de supprimer et d’expulser les congréganistes étrangers : sont également condamnés à l’exil les Jésuites portugais qui ne se séculariseraient pas. Cette expulsion, suivie de confiscation, n’est, au surplus, qu’un commencement : le gouvernement remet en vigueur les vieilles lois du marquis de Pombal qui, dit-il, n’ont pas été appliquées depuis longtemps, mais n’ont jamais été abrogées. Grâce à elles, il prononce la dissolution des congrégations. De toutes ou seulement de quelques-unes, nous ne saurions le dire encore, mais naturellement, les Jésuites sont les premiers sacrifiés. Est-il vrai, comme on le dit, que des coups de fusil auraient été tirés ou des bombes lancées contre la troupe des fenêtres d’un de leurs couvens ? Non assurément : un pareil acte, dans les circonstances actuelles, est plus qu’invraisemblable ; mais on s’est servi de ce prétexte pour envahir le couvent et le mettre à sac. On commence seulement à avoir des renseignemens exacts sur la manière dont les choses se sont passées. Les premiers récits présentaient la révolution comme immaculée ; pas un acte de violence n’avait été commis, pas un assassinat, pas un vol. Il n’en a malheureusement pas été ainsi, et si c’est là l’histoire du premier jour, ce n’a pas été celle du lendemain. Des couvens ont été forcés et pillés ; des prêtres ont été tués ; d’autres sont journellement insultés dans la rue et ont de la peine à fuir en se déguisant. Le Père Frague, confesseur de la reine Amélie, a été lâchement assassiné. Ce n’était pas un jésuite, mais un lazariste ; la populace, dans sa colère, n’a fait aucune distinction entre les congréganistes ; un grand nombre de ces malheureux ont été