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musicien aveugle habitant une petite ville et médiocrement occupé. Probablement il n’est aucun dactylographe dans la région. Pourtant des travaux de dactylographie peuvent se présenter : il s’agit de reproduire une lettre à un certain nombre d’exemplaires ; le curé de l’endroit veut faire transcrire ses sermons ; ou bien un notaire retiré veut laisser ses mémoires à la postérité ; ou un méconnu des éditeurs désire posséder une copie lisible de ses vers. Notre aveugle, s’il peut se faire dicter par sa femme ou par un de ses enfans, aura peut-être profit à se charger de ces travaux.

L’Association Valentin Haüy se propose également de diriger quelques sujets vers l’enseignement des langues vivantes. En Allemagne plusieurs aveugles ont entrepris cette profession avec succès. Les professeurs de langues ne sont pas moins nombreux en Allemagne, qu’en France. Il n’y a donc pas de raison pour que, en agissant avec prudence, nous n’obtenions pas les mêmes résultats que nos voisins. Si la chose n’est pas encore réalisée chez nous, c’est que le besoin s’en est fait moins sentir qu’au-delà du Rhin. Chez nous, les sujets les mieux doués ont trouvé à employer leurs facultés dans l’enseignement des aveugles et dans la profession de musicien. Le premier de ces débouchés n’existe pas en Allemagne, puisque l’enseignement des aveugles est presque exclusivement réservé aux clairvoyans, et le second y est beaucoup moins largement ouvert que chez nous parce que, jusqu’à ces derniers temps, les postes d’organistes y étaient moins rétribués. Les sujets qui, très distingués au point de vue intellectuel, en musique ne sont que médiocres, aiment mieux occuper un poste extrêmement modeste dans une école que de courir les hasards de l’enseignement libre, difficile pour les aveugles encore beaucoup plus que pour les clairvoyans.

La question de l’enseignement des langues vivantes n’intéresse donc, suivant toute vraisemblance, que fort peu d’aveugles français. En voici une autre, en revanche, qui pourrait les intéresser en grand nombre. Dans un petit magasin, l’aveugle peut rendre de nombreux services. Il ne saurait probablement pas le tenir à lui seul, mais il est loin d’y rester inactif. On pourrait donc trouver dans le très petit commerce des débouchés pour les aveugles qui auraient auprès d’eux un parent dévoué, une femme, une fille en âge de veiller à la marche des affaires. Le seul obstacle qui les arrête, ce n’est pas la cécité, c’est le