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conversation, car on exige de l’aveugle ce qu’on ne demande pas au clairvoyant. Il est nécessaire que sa santé soit excellente, qu’il ait la main sèche, la respiration profonde, le cœur solide, une réelle force musculaire, et l’on sait que beaucoup d’aveugles sont anémiés soit par les maladies, soit par une existence antihygiénique. Tout cela doit s’ajouter bien entendu à une excellente préparation professionnelle. Si nous voulons le succès, il ne nous faut former que des masseurs de premier ordre. Alors, mais alors seulement, ils s’imposeront à la clientèle et ouvriront à leurs successeurs un chemin facile. Sans une discipline rigoureuse, l’échec est certain.

Je ne serais pas surpris que la profession de tonnelier pût s’ouvrir un jour largement aux aveugles. Un tonnelier ayant perdu la vue a continué à exercer son métier. L’Association Valentin Haüy, frappée de son adresse, lui a confié deux apprentis aveugles. Ils ont parfaitement réussi. L’un d’eux accuse un bénéfice quotidien de 3 fr. 50.

L’Association fait faire actuellement aussi un apprentissage de téléphono-dactylographie. Le mot est barbare, mais la chose est simple. Il s’agit de transcrire à la machine des informations reçues au téléphone ou au phonographe. Un aveugle très distingué, M. Aussel, remplit cet office depuis quelques années pour un journal de Montpellier, le Petit Méridional, et c’est un emploi qu’on pourrait retrouver dans les bureaux de tous les journaux. M. Aussel affirme qu’un aveugle peut s’en acquitter fort aisément. L’expérience qu’il a faite lui-même semble concluante. Nous espérons que les directeurs de journaux feront un bon accueil à cette innovation. Le succès dépendra entièrement de leur bienveillance.

La dactylographie à elle seule est très pratique pour les aveugles dans les menues occupations de la vie quotidienne, en particulier pour la correspondance ; mais au point de vue commercial et en tant que métier elle n’est que d’un maigre secours. Les tentatives faites en Angleterre et en France pour l’utiliser ne semblent pas donner de résultats appréciables. Cela se conçoit : la nécessité pour l’aveugle de se faire dicter ce qu’il doit transcrire et de salarier une personne à cet effet réduit d’une manière excessive ses bénéfices. Ce n’est pas à dire que dans quelques cas particuliers l’apprentissage de la dactylograghie ne soit pas à recommander. J’imagine, par exemple, un