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des crédits suffisans aient été votés, que rien puisse s’opposer à une décision parlementaire. Malheureusement, il est devenu si habituel d’entendre les intéressés demander des subsides aux Chambres, que les supplications les plus dignes d’attention ont peine à se faire écouter par elles. Je crains que les Chambres ne reculent devant le chiffre assez élevé de dépenses que de semblables créations supposeraient pour être faites dans de bonnes conditions. Je souhaite qu’elles votent les crédits qu’on leur demandera, mais je doute que l’événement soit conforme à mes souhaits.

Ce que l’État pourrait nous donner, c’est la continuité du travail, c’est-à-dire l’essentiel, ce que les directeurs d’ateliers ont le plus de peine à obtenir. L’Etat consomme chaque année une quantité considérable de brosses. Il lui en faut pour l’armée, pour la marine, pour ses chemins de fer, pour ses hospices, pour ses prisons, etc. Qui empêcherait de confier la production de ces brosses aux aveugles ? L’Etat qui équipe l’armée et l’Etat qui assiste les infirmes ne sont-ils pas un seul et même Etat ? Il serait à propos qu’ils s’en souvinssent. L’Etat qui équipe prévoit, je suppose, 50 000 francs pour la fourniture des brosses aux différens corps d’armée, et l’État qui assiste inscrit 50 000 francs de secours aux aveugles travailleurs. Si l’État qui assiste donnait 75 000 francs aux aveugles travailleurs à la condition qu’ils fournissent de brosses l’armée, il y aurait 25 000 francs d’économie, et cependant les aveugles auraient gagné 25 000 francs.

L’État pourrait ainsi donner sa clientèle, une clientèle sans pareille. Il pourrait encore peut-être mettre à la disposition des aveugles des terrains pour y construire des ateliers et des cités ouvrières. Ces terrains devraient, me semble-t-il, se trouver hors des villes, suivant la conception que nous rappelions tout à l’heure, mais j’ajoute aux portes de grandes villes autant que possible, afin de joindre les avantages de la ville à ceux de la campagne. Ne serait-il pas difficile d’ailleurs de décider une société d’habitations à bon marché à construire loin de tout centre urbain, de toute industrie solidement assise ? L’État pourrait offrir ces terrains et cette clientèle à des philanthropes et à des sociétés philanthropiques qui présenteraient des plans de construction agréés par une commission compétente, par le comité permanent d’assistance aux aveugles par exemple. Voyez combien immédiatement l’œuvre de l’assistance privée serait