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allemand, qui est pratique à tout prendre parce qu’il est économique, c’est qu’il condamne l’aveugle au célibat. Nous voulons mieux pour lui, nous voulons qu’il ait part aux joies de la famille qui lui sont si nécessaires. Il faut donc qu’il ait les moyens de fonder une famille.

Et voilà pourquoi je crains qu’il ne soit indispensable, même lorsque les conditions les plus avantageuses de travail seront réalisées, qu’une société de bienfaisance majore les salaires. Assurément, la première chose à faire est de réaliser ces conditions. Un fait est d’ores et déjà certain, c’est qu’en Angleterre, dans tous les ateliers, le système de la majoration des salaires est en usage. On va jusqu’à les augmenter de 100 pour 100, en certains endroits. Bien entendu, si nous jugeons nécessaire de faire de même, autant que possible, il faudra donner ces majorations d’une manière indirecte. C’est déjà une majoration indirecte de salaire que de décharger les ouvriers des frais généraux de l’atelier. Je crois qu’il en faudra d’autres encore : des diminutions artificielles et considérables sur les loyers et sur les prix des denrées. Ces majorations indirectes auraient l’avantage de tenir compte des charges de famille, et c’est par-là qu’elles sont préférables aux majorations directes. Elles le sont encore en ce qu’elles sauvegardent peut-être davantage la dignité de l’assisté. En tout cas, s’il y a lieu d’y songer, il suffira de le faire plus tard, lorsque le progrès essentiel sera réalisé, celui qu’apportera la création d’ateliers viables et capables de recevoir de nombreux ouvriers.

Parallèlement à ce courant d’opinion qui attend de la bienfaisance privée la création d’ateliers d’aveugles, un autre les demande à la bienfaisance publique. Entre ces deux projets, il est clair que les aveugles ne peuvent pas hésiter. Ils n’ont pas à faire intervenir de considérations générales sur le rôle de l’État en matière d’assistance ; considérations qui risqueraient de les diviser. Et d’ailleurs, quelque opinion que l’on ait du rôle qui convient à l’État, il faut bien admettre qu’à une situation aussi exceptionnelle que celle des avances, on peut appliquer aussi des règles d’exception, sans qu’on voie s’en généraliser l’application. Les intéressés ne peuvent donc que souhaiter les ateliers organisés aux frais de l’État et des départemens, si la loi décide que les ouvriers aveugles seront employés de droit dans six, huit ou dix ateliers, l’on ne voit pas, pourvu que