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des mouvemens justes et simples, par la seule intensité d’expression morale qui anime les figures des pieds à la tête. Lorsque, plus tard, à Santa Croce, Giotto reprendra le même thème, il gardera cette première et naturelle disposition de ses acteurs, mais il saura leur imprimer, dans le geste et la physionomie, une expression plus vive et plus noble encore, témoignant ainsi, jusqu’à la fin de sa vie, du souci incessant de perfection qui n’aura cessé de diriger, depuis ses débuts, son infatigable activité. On trouvera également, plus tard, à Santa Croce, une réfection, agrandie, améliorée, approfondie de l’admirable scène, si saisissante encore, que nous voyons plus loin, Saint François devant le Sultan d’Egypte. La curiosité bien informée du peintre y présente déjà des types orientaux d’une exactitude toute moderne.

Autant les figures de moines, isolées ou accouplées, qui figurent dans les visions du Char de feu, des Trônes, des Démons d’Arezzo, du Prêche aux oiseaux, etc., sont d’un naturalisme franc et puissant, étudiées sur le vif au physique et au moral, avec une intelligence et une sympathie viriles et présentées, en des reliefs sobres et solides, avec une vigueur sculpturale ; autant celles des figures réunies qui se multiplient soit en des cérémonies solennelles, soit en quelques circonstances tragiques ou miraculeuses, s’y pressent et s’agitent avec des souplesses et des mouvemens bien rendus. La Fête de la Nativité à Greccio, la Mort subite, à la fin d’un repas, du Seigneur de Celano, l’Apparition du Saint au concile d’Arles, les Audiences pontificales, les deux scènes des Funérailles, et de la Lamentation des Clarisses sont vraiment des chefs-d’œuvre d’exactitude matérielle et morale, d’intelligence nette, grave, profonde pour la mise en scène sans emphase, et l’exécution pittoresque, sans manière et sans affectation, qui peuvent rester encore des modèles pour la représentation des scènes historiques. Assurément, dans ce remuement des foules, dans ces vivacités de mouvemens collectifs, où les corps s’entremêlent et s’assouplissent, où les expressions physionomiques se diversifient et se contrastent, nous reconnaissons, sans hésiter, l’empreinte de Giotto. Ce n’est point une raison suffisante, répétons-le, pour lui refuser une participation importante à l’exécution des figures plus paisibles et d’une facture plus accentuée. En fait, on ne trouve, avant lui et bien rarement après lui, rien qui réunisse autant les qualités