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que n’obtenait jamais une allée. « Celle-ci conduirait à l’appartement le plus commode qu’elle serait proscrite, fût-elle encore large et bien éclairée. Il y a des portes cochères obscures, embarrassées par des équipages, où l’on risque de donner de l’estomac dans le timon et dans l’essieu. Eli bien ! l’on préfère ce passage étroit à cette voie roturière qu’on appelle « allée. » « Les femmes de bon ton ne vont point visiter ceux qui sont logés ainsi. » cette morgue est-elle sans excuse ? Mercier, de qui nous tenons ces détails, sous Louis XVI, ajoute : « Les allées des maisons ont ceci de vraiment incommode que tous les passans y lâchent leurs eaux, et qu’en rentrant chez soi on trouve, au bas de son escalier, un pisseur qui vous regarde et ne se dérange pas. Ailleurs on le chasserait, ici le public est maître des allées pour les besoins de nécessité. Cette coutume est fort sale et fort embarrassante pour les femmes. »

Ce type était, au temps de la Régence, celui des cinq sixièmes des maisons parisiennes, — 20 000 sur 24 000, — et plusieurs milliers de ces allées desservaient à la fois un immeuble de façade de 2 000 à 2 400 francs de loyer, et, dans le fond de la cour intérieure, une bâtisse masquée dont le prix était moitié moindre. Ces maisons se gardaient comme elles pouvaient. L’idée d’y mettre, et surtout d’y payer, un portier ne vint que fort tard : c’était encore, vers la fin de Louis XV, une nouveauté assez rare pour que le propriétaire la signalât et la fît valoir : « Appartement au premier, dans une maison neuve, où il y a un portier, » disaient les annonces de 1760.

L’ouvrier du moyen âge, dont le gain annuel était d’un millier de francs, se payait sans peine une maisonnette de 100 à 200 francs par an ; sa situation fut meilleure encore lorsque les loyers baissèrent prodigieusement au XVe siècle, en raison de l’abondance des logis vides, pendant que les salaires montaient à 1 200 francs. Mais du moment où le compagnon de métier ne gagna plus, à partir de 1550 jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, qu’une moyenne de 675 francs par an et que les moindres maisons parisiennes se louaient 350 francs, on devine qu’il dut renoncer à vivre sous un toit distinct.

Aujourd’hui les trois quarts des locaux de Paris, — 735 000 sur 980 000, — correspondent à un loyer de moins de 500 francs ; la moitié d’entre eux, — 436 000, — n’atteignent pas 300 francs et près du quart, — 205 000, — sont inférieurs à 200 francs par