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budget dressé par Mme de Maintenon n’était guère sérieux ; elle eût été bien empêchée de le mettre en pratique. Nous savons ce que l’on pouvait avoir à cette époque pour 3 500 francs.

C’était le loyer de Racine pour sa maison de la rue des Marais, qui existe encore, — elle porte aujourd’hui le n° 13, rue Visconti. — Sa façade, percée de trois fenêtres remarquablement exiguës, offre un aspect assez morne ; elle est élevée de deux étages, sous les combles ; chaque appartement consiste en trois pièces de médiocre dimension, avec une petite aile sur la cour d’où le logis tirait presque toute sa lumière. Si le loyer, qui baissa au XVIIIe siècle, où Mlle Clairon n’y payait que 2 600 francs, est aujourd’hui monté à 12 000, c’est qu’une imprimerie a transformé la cour en un vaste atelier vitré. Toute la valeur de cet immeuble réside dans sa superficie de plus de 500 mètres, tandis qu’elle consistait, sous Louis XIV, dans le bâtiment mal conçu qui utilisait une faible part de ce terrain.

Tout en essaimant au Sud, jusqu’à la rue de Vaugirard, au Nord-Ouest jusqu’à la nouvelle enceinte, de la Porte Saint-Denis à la Madeleine, les classes riches furent très lentes à déserter le Marais et les environs du Temple : quoique le maréchal de Luxembourg se fût bâti, sur l’emplacement actuel de la rue Cambon, un hôtel dont les jardins se prolongeaient jusqu’aux remparts ; quoique sur la rive gauche, la rue d’Enfer eût des hôtes de marque comme le prince de Salm-Kirbourg, la petite rue du Roi-de-Sicile où habitait le secrétaire d’Etat Chavigny n’avait pas perdu toute vogue et le duc de La Trémoïlle quittait, on 1745, la place Louis-le-Grand, sur la paroisse Saint-Roch, pour aller s’installer rue Sainte-Avoye, sur la paroisse Saint-Merry. Il payait là 12 300 francs par an.

Pour un loyer équivalent, place Vendôme, à la même date (1751), les Petites-Affiches offraient une maison « grande et belle » à vendre 250000 francs. Or, en 1909, la maison vendue le plus récemment place Vendôme dépassait le prix de 5 millions ; au lieu que l’hôtel de la rue Sainte-Avoye, dont le loyer avait monté à 20000 francs en 1788, époque où il était occupé par un avocat au conseil, ne trouverait peut-être pas preneur à son chiffre d’il y a cent vingt ans.

En effet le quartier Sainte-Avoye est de tous celui qui a le moins progressé (8 pour 100 seulement) durant la période 1860-1910, où le revenu des maisons parisiennes a passé dans son