Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/765

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de considération ? » Il faut, avant de « les recevoir pour concitoyens, » l’assentiment du parlement de la province. Sont-ils enfin, « après avoir demandé cette faveur avec instance et à genoux, » investis du droit de cité, les nouveaux admis n’ont pas seulement à payer le « droit de bourgeoisie ; » ils sont tenus souvent de posséder le tiers de leurs biens meubles dans la ville, ou de l’y faire transporter sans délai. De même qu’il existe un droit d’entrée, il en existe un de sortie, à payer par les pères de filles indigènes qui vont habiter ailleurs avec leur mari.

Ceux qui, sans se munir au préalable de ces privilèges, « quittent leur lieu de naissance pour se retirer dans les villes, » auront beau y être depuis longtemps domiciliés, ils seront toujours sujets à l’expulsion sommaire. Ordre pourra leur être intimé par les échevins de « vider les lieux et d’aller s’habituer ailleurs. »

Ce particularisme, qui subsistait encore, bien que relâché, au XVIIe siècle, avait été fort strict au moyen âge. En retour de ces avantages qui les constituaient, en commun, propriétaires de leur cité, les bourgeois étaient tous astreints à sa garde, sans distinction de caste, ni de condition. Les ecclésiastiques sont tenus à faire le guet en personne ; à Angers, ils sont formés en troupe et ont pour chef un abbé notable.

C’était un usage général dans toute l’Europe. Dans le Midi de la France, la charge de capitaine est unie souvent à celle de premier consul ; partout elle est obligatoire pour qui est désigné par le conseil municipal, et nul ne peut démissionner, sauf pour « incommodité de vieillesse. » Obligatoire aussi était l’exercice de la pique, de la hallebarde, plus tard ‘du mousquet, dont un « joueur de hautes et basses armes, » payé par la ville, donnait des leçons. Chacun s’équipait et parfois devait fournir ses munitions. Aux patrouilles de nuit hebdomadaires les riches, en temps normal, se substituaient des portefaix et autres salariés, qui se chargeaient de « servir à la garde » cinq ou six maisons ; aux époques de troubles, les gens de toute qualité, conseillers et présidens de parlemens eux-mêmes, faisaient la ronde on personne. On voit de petites villes au XVIe siècle, où le bourgeois qui « abandonne le guet » est mis « dans une fosse de fossé » au pain sec pendant trois jours.

À ce prix on obtenait la sécurité vis-à-vis du dehors et, pour se la mieux assurer au dedans, certains hôtels avaient leurs retranchemens, certains quartiers avaient leurs barricades