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ottomans des Algériens ou des Tunisiens, sujets ou protégés français, inscrits comme tels dans nos consulats, mais qui, ayant maille à partir avec les autorités françaises, revendiquent une prétendue nationalité ottomane : il y a là des questions qu’il serait plus prudent de ne pas laisser se poser aujourd’hui. Tantôt, et ceci est plus grave, bien qu’une commission ait été chargée par elle et par nous de fixer définitivement la frontière tunisienne, la Turquie y fait occuper par ses troupes un point que nous considérons à bon droit comme nôtre. L’heure est-elle bien choisie pour soulever entre les deux pays des difficultés de ce genre ? Quand on se propose de demander aux gens leur argent et qu’on désire l’obtenir, est-il sage, est-il habile de prendre à leur égard une attitude arrogante et même agressive ?

La Jeune-Turquie s’est fait d’abord bien venir de nous, parce qu’elle représentait la liberté : aujourd’hui, après avoir éprouvé elle-même et avoir fait éprouver aux autres quelques déceptions, elle représente, sous sa forme la plus intransigeante, le nationalisme ottoman, qui cherche peut-être des alliances en Europe, qui s’arme avec une hâte désordonnée, qui inquiète, qui déjà menace. Elle aurait certainement mieux à faire, et beaucoup de Jeunes-Turcs le pensent : ils sont même les plus nombreux, seulement ils ne sont pas les maîtres. Bien que son histoire soit encore très courte, la Jeune-Turquie a montré deux faces successives bien différentes : nous regrettons que la seconde ne soit pas la plus sympathique, mais nous attendons et nous espérons.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES,