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Trêve d’exagérations. Que l’on ne nous parle plus d’« odieuse distinction entre la chair de surmenage et la race privilégiée. » Que l’on cesse d’affirmer la prévention de l’autorité française contre la langue italienne. Autant de mots sans vérité.

L’autorité ne combat point la langue italienne (elle en donnera bientôt une preuve éclatante), pas plus qu’elle ne prohibe la formation de cortèges, avec uniformes, musique et drapeaux italiens claquant au vent.

De notre côté, ne redoutons point la prépondérance numérique de ces utiles colons. Depuis l’occupation, de nombreux intérêts, italiens à l’origine, ont cessé de l’être. Le chemin de fer Tunis-Marsa (devenu tramway électrique) qui longe au Nord le lac de Tunis, autrefois italien, a été cédé à la compagnie française Bône-Guelma. L’Italie a fermé ses bureaux de poste et, peu à peu, des Français ont remplacé les Italiens dans les administrations beylicales.

Enfin le commerce de l’Italie n’a pas suivi l’ampleur de son mouvement migrateur. Dans les treize dernières années, le commerce tunisien a progressé de 100 millions ; mais l’Italie ne prend à ce trafic qu’une part très modérée. Voici les chiffres pour 1908 :

Commerce général tunisien en 1908 :

Importation : 123 028 142 fr.
Exportation : 94 115 005 fr.
Ensemble : 217 143 147 fr.

Part de l’Italie sur ce total : 25 553 111 francs, soit 8, 4 pour 100 seulement.

Mais, demande-t-on, qu’arriverait-il en cas de guerre ? Quelle serait alors l’attitude des colons italiens ? L’Italie appartient en effet à l’alliance de l’Europe centrale. En temps de paix, sa diplomatie évolue très habilement entre ses alliés et ses amis. Mais, si la guerre éclatait, s’il fallait prendre un parti, si la fatalité rangeait l’Italie parmi nos adversaires, que deviendraient les 100 000 Italo-Tunisiens ? Se lèveraient-ils comme un seul homme pour défendre la mère patrie ? Chercheraient-ils à fuir en un rush formidable pour Naples et Palerme, désertant le foyer créé à la longue, au prix de tant de fatigues ? C’est invraisemblable. En temps normal, dit-on, les réfractaires, assez nom-Oreux, semblent imiter les 80 000 Espagnols de la province d’nrab, qui, en 1908, n’ont présenté au conseil de révision, pour l’année royale de leur pays, que soixante-sept jeunes gens nés