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des Affaires étrangères considérait cette faculté comme une solution pratique du problème angoissant de l’émigration. Pourtant, nous ferons des réserves au point de vue tunisien : les naturalisés acquerront tous les droits civils et politiques ; mais alors, ces néo-français deviendraient les maîtres en Tunisie, par le simple jeu de la tyrannie du nombre. Ne serait-ce pas tomber de Charybde en Scylla ?

Un autre dit : Éduquez la main-d’œuvre indigène. Amenez à vous ces agriculteurs enfans. Associez étroitement au même travail le colon français et l’Arabe. L’agriculture réclamera moins de bras et le courant immigrateur se restreindra de lui-même. Cette solution, hérissée de difficultés, ne peut opérer qu’à très longue échéance. L’Arabe, en effet, a des habitudes invétérées, aussi éloignées de la culture intensive que difficiles à modifier. Il égratigne le sol avec des charrues antédiluviennes ; et, quand un nuage crève sur la terre assoiffée, vite il charge sur un âne un sac de blé et s’empresse d’aller esquisser le geste large du semeur. Mais, cultiver rationnellement, jamais.

La panacée reste encore à trouver. En attendant, le meilleur moyen de vivre en paix, c’est d’accepter loyalement la situation, avec espoir d’améliorations graduelles. Car les Italiens se plaignent, et ils n’ont pas toujours tort. Reconnaître leurs services d’une manière effective ne serait que leur rendre un peu de la justice qu’ils réclament. Nous ne saurions pourtant accueillir sans examen l’ensemble de leurs revendications. Par exemple, certains de leurs publicistes regrettent amèrement le régime des capitulations et ils expriment leurs doléances avec force. C’est vouloir rouvrir un chapitre fermé. Les Italiens ont solennellement reconnu la substitution du protectorat à leurs consuls, pour des affaires déterminées. A quoi bon revenir sur un passé lointain, pour exhaler de vaines récriminations ?

D’autres déplorent l’ « infériorité italienne dans le pays. » Ils voudraient que les professionisti, les médecins, les avocats, les ingénieurs, les entrepreneurs trouvassent leur place au soleil de la Régence. Ne sommes-nous pas fondés à demander pourquoi ? Quand un client a besoin de café et qu’il en demande à l’épicier, voyez-vous ce négociant l’obligeant à prendre aussi des chandelles ? Le client se récriera : « Je vous demande du café, gardez vos chandelles. » Il nous faut en Tunisie des terrassiers, des mineurs, des paysans ; mais, les professionisti ne