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Voici deux exemples de ces achats en gros qui permettent de créer des centres de colonisation uniquement italiens. D’abord, la ferme de Bordj-El-Amri (3 200 hectares) à 26 kilomètres au Nord-Ouest de Tunis, sur la ligne d’Algérie, créée en 1901, par M. Canino. 500 Siciliens y cultivent du blé, des oliviers, de la vigne, des amandiers, sans compter l’élevage du bétail. Les propriétaires assurent aux paysans les vêtemens, la nourriture, les habitations ; ils leur avancent les animaux domestiques, les semences, les instrumens aratoires. Maîtres et fermiers partagent les récoltes après déduction des avances, sans aucun intérêt. Bou-Ficha (ligne de Tunis à Sousse) est un autre grand centre agricole italien. Les premiers colons s’y établirent en 1886, sur des lots de 10 hectares, achetés à la Compagnie franco-africaine, au prix de 2 00 francs. Le quart de cette somme était payable à la conclusion du marché ; le reste (1 500 francs) en 10 annuités, avec intérêt de 6 pour 100. Il fallut d’abord procéder au défrichement, si long que les colons ne firent la première récolte qu’en 1890. Peu à peu, les immigrans affluèrent à Bou-Ficha, et, tout dernièrement, 200 familles de l’île de Pantellaria y possédaient 800 hectares plantés en vignes et en céréales.

Tout immigrant qui n’acquitte pas son annuité à l’échéance, paie 10 pour 100 jusqu’à libération du terme échu. D’où, nécessité de recourir aux emprunts usuraires. Car la Cooperativa italiana di credito, établie à Tunis, ne peut immobiliser des capitaux en prêts agricoles, les échéances, dans ce cas, étant à termes beaucoup plus longs que lorsqu’il s’agit d’opérations commerciales. Un établissement de crédit spécial à l’agriculture rendrait ici de grands services : l’ancienne situation paraît d’ailleurs modifiée dans un sens favorable. Pendant longtemps, le manque d’argent entravait la multiplication des centres agricoles italiens. Mais, aujourd’hui, les capitaux importés de la péninsule sont plus abondans.

Au lieu d’abandonner les colons au libre cours de leurs fantaisies et à d’inévitables écoles, des techniciens leur prodiguent d’utiles conseils. C’est ainsi qu’un savant agronome syracusain est venu faire à ses compatriotes des conférences sur les désavantages de la monoculture et sur l’amélioration des procédés en usage. Comme palliatif à la mévente possible des vins, il indiquait l’élevage, les céréales et les primeurs. Il recommandait les plantations de figuiers de Barbarie sans épines, dont le fruit