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lettre. Quand les émigrés écrivont à leurs amis d’Italie : « Ne venez pas ici, il n’y a pas de travail ! » le gouvernement serait impuissant à diriger un courant migrateur vers la région ainsi boycottée. L’inverse se produit également. Malgré les conseils officiels prodigués orbi et orbi, une bande d’émigrans est arrivée à Panama en septembre 1908, au moment où plus de 30 000 ouvriers fourmillaient sur les chantiers : la Compagnie du canal ne put utiliser ces malheureux venus de si loin pour réclamer du travail à cor et à cri.

Néanmoins, l’État italien poursuit la tâche qu’il s’est imposée : assurer aux émigrans un minimum de protection. Par le Bolletino del lavoro per l’emigrante in Europa (septembre 1908), il déconseillait à ses nationaux de se rendre en Algérie et en Tunisie, « ces deux colonies n’ayant plus besoin de nouveaux ouvriers. » En même temps, la statistique signalait une recrudescence des arrivées en Tunisie. Voici, pour les cinq dernières années, les fluctuations du courant migrateur :

Le 1er janvier 1901, on comptait dans la Régence, 80 609 Italiens ; le 1er janvier 1907, 81 156 Italiens ; le 1er janvier 1909, 102 865.

Pendant trois ans, le niveau des immigrans italiens est donc resté stationnaire ; mais, dès 1908, la vague humaine qui, de l’Italie méridionale et de la Sicile, déferle sur la Régence, recommence à grossir. La qualité resta d’abord inférieure au nombre. Des expulsions opportunes ont, depuis, sensiblement amélioré la moyenne : elle est aujourd’hui satisfaisante. Siciliens et Calabrais sont des auxiliaires très précieux pour l’essor économique de la colonie. Tout homme de bonne foi les considère comme un élément indispensable et reconnaît qu’il faut leur attribuer, en grande partie, la fortune rapide de ce pays, exemple unique dans les annales coloniales.

Il y a, parmi eux, des pêcheurs, des mineurs, des terrassiers, des agriculteurs, des artisans. Les pêcheurs n’émigrent que temporairement. Huit cents Trapaniens desservent, pendant la saison, les thonaires[1] de Sidi-Daoud, des îles Kuriat, et de Monastir. Sidi-Daoud, exploité par le comte Raffo, produit annuellement 3 000 à 3 500 quintaux de thon.

Entre mars et août, 2 000 Siciliens pêchent la sardine et les

  1. Pêcheries de thon.