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carolingienne une villa regia ; une charte de Charlemagne la désigne comme une dépendance des domaines royaux, et Louis le Débonnaire abandonna justement dans la plaine qui s’étend entre Colmar et le Rhin la couronne trop lourde contre un cloître, laissant l’Alsace à Louis le Germanique. La richesse du pays et la variété de ses cultures, vignes, prés, champs, bois, houblonnières, terrains maraîchers, font comprendre facilement que les Carolingiens l’aient érigé en propriété privée. Mais ce fut seulement aux débuts du XIIIe siècle que, ceinte de murs et de fossés, par le Landvogt d’Alsace, Colmar cessa d’être un village pour devenir ville impériale avec tous les droits attachés à ce titre. A partir de ces années-là, 1220 et 1226, elle commence à vivre d’une vie particulière.

Ses habitans se partageaient en nobles et non-nobles. Les nobles étaient partagés en deux tribus ; les non-nobles ou bourgeois, en vingt, réduites plus tard à dix, où ils étaient classés par leur profession, tribu des tailleurs, tribu des jardiniers, tribu des vignerons… Chacune d’elles avait ses emblèmes, son enseigne, son lieu de réunion ou poêle, son conseil, son maître juré, et la milice se recrutait parmi leurs membres. Un conseil que composaient les maîtres des tribus et huit nobles élus par leurs pairs veillait aux destinées de la ville. En dehors de ce conseil permanent, on convoquait des bourgeois choisis par les tribus, et qui élisaient le bourgmestre et le stettmestre, chargés spécialement de l’administration. Tous les ans, le dimanche avant la Saint-Laurent, le conseil, le bourgmestre et le stettmestre prêtaient serment de fidélité aux bourgeois assemblés sur la place de l’Eglise. Cette organisation municipale se rattachait à l’Empire par un magistrat appelé Schulteiss qui exerçait la haute juridiction criminelle et les droits réservés à l’Empereur : les plébéiens étaient rarement admis à, cette charge. Les Empereurs, qui venaient souvent à Colmar, accordaient toujours de nouvelles faveurs. La ville payait des redevances, fournissait des soldats, mais exerçait des privilèges de juridiction, — par exemple, elle pouvait recevoir des proscrits ; — des privilèges d’impôts, — par exemple, les biens des bourgeois situés en dehors du ban de la ville ne consentaient aucun impôt aux seigneurs des territoires où ils se trouvaient ; — des privilèges de monnaie, — par exemple, elle pouvait frapper des deniers d’argent. Les droits de bourgeoisie propre étaient très nombreux : aucun