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international incline de plus en plus vers la pratique : les ouvriers ne peuvent se contenter de théories, il leur faut des réalisations. La Révolution, c’est la scala santa dont on ne peut gravir les degrés qu’un à un. Le but final ne doit pas gêner l’action quotidienne, à la fois opportuniste et blanquiste, réformiste et disposée à recourir à la violence, sous forme de grèves généralisées, de mouvemens des masses, afin de forcer la main aux gouvernans. A mesure que ces masses adhèrent aux partis socialistes, elles y priment les intellectuels : ces partis sont obligés de tenir compte à la fois des besoins immédiats des foules ouvrières, de leurs exigences d’amélioration très prochaine qui s’accroissent avec la conscience de leur force, en même temps que du sentiment de révolte, de volonté de puissance, qui se manifestent chez les exaltés, chez les peuples excitables et impulsifs, la France, l’Espagne, pays à panache révolutionnaire.

Le principal intérêt du Congrès de Copenhague, c’est d’indiquer cette évolution. Par ailleurs, il ne marquera pas une date importante dans l’histoire du socialisme. Le Vorwaerts qui, au lendemain de ces congrès, entonne des hymnes d’allégresse, a, cette fois, baissé le ton. Les délibérations n’étaient pas de nature à exciter un grand enthousiasme, et les Allemands n’y ont pas joué le premier rôle. La solidarité internationale ne parait pas si étroite qu’on le proclame. A mesure que le mouvement s’accroit, il se différencie, selon la loi de tout organisme. Les querelles entre Tchèques, Italiens et Allemands au sein de la démocratie autrichienne, les divergences d’opinion entre Allemands, entre Français et Anglais sur les mesures à prendre en cas de guerre prouvent que les nations suivent chacune leur chemin, selon le train habituel de la nature humaine. Ce fut en somme un congrès de compromis qui s’acheva par des danses.

Une petite fête avait ouvert le Congrès, une grande fête l’a terminé. Ce fut d’abord un lunch où se marquaient les différentes couches sociales d’un prétendu parti de classe, exclusivement prolétarien, mais qui compte encore nombre de bourgeois fortunés. Le Congrès contenait cependant beaucoup plus d’ouvriers que les précédens. Il avait son aristocratie nuancée : militans de la première heure, déjà embourgeoisés, intellectuels très cultivés. Après les présentations, les saluts, de fins et galans propos s’échangeaient avec les jolies femmes qui servaient le thé, tandis que les leaders péroraient. La réception finale, dans le