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faisant profiter le parti, mais indirectement, de leurs œuvres, de leurs salles, du milieu et de l’esprit qu’elles créent.

Les Français sont divisés sur la question : les étrangers abondent dans un sens ou dans l’autre. En Allemagne, les coopératives restent forcément autonomes. La législation, en leur interdisant de se rattacher au parti politique, leur impose la neutralité. Le directeur des grandes coopératives de Hambourg, von Elm, déclarait d’ailleurs à la Commission qu’elles garderaient cette précieuse neutralité, même si la loi les laissait libres. Von Elm estime que l’association engendre par elle-même, en dehors de toute prédication, de toute doctrine, l’esprit socialiste : la pratique exerce un pouvoir de persuasion autrement efficace que la théorie.

Les Belges parlent d’un point de vue tout différent. Le lien le plus étroit rattache les coopératives au parti ; elles en accumulent le trésor de guerre. Privée des ressources de ces sociétés si prospères, leur presse quotidienne ne pourrait subsister. Anseele, l’habile directeur du Vooruit de Gand, exposait que les coopératives devaient à tout prix être dirigées par les socialistes, afin de ne pas glisser dans le mercantilisme. Gardiens de l’idéal, les socialistes les empêchent de s’y enlizer. On aurait pu répondre à Anseele que l’opinion, la conviction ne créent pas nécessairement la compétence.

Ce débat ne comportait aucune sanction. Les coopératives ouvrières ont pris trop d’importance, elles disposent d’ores et déjà de trop d’influence pour que les congrès socialistes puissent leur imposer des règles. L’Allemagne possède un mouvement coopératif dont le chiffre annuel d’affaires s’élève à plus de 400 millions de francs, et qui touche 950 000 adhérens. L’orthodoxie baisse pavillon devant cette puissance. M. Jaurès et M. Guesde se sont fait d’ailleurs des concessions réciproques : la Commission, puis le Congrès, ont décidé que les coopératives seraient libres de verser ou de ne pas verser des subventions aux partis politiques ; on leur prodiguait force conseils, surtout celui d’établir des relations intimes avec le parti.

Une autre Commission était chargée d’examiner à nouveau la question des rapports qui doivent régner entre syndicaux et socialistes, question résolue par le Congrès de Stuttgart, mais qui revenait sur le tapis, à propos d’une querelle soulevée dans le parti autrichien par la rivalité des Tchèques et des Allemands,