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d’amour en l’honneur d’Isotta, il s’adressa au tendre et sensuel Agostino di Duccio. Malheureusement, celui-ci ne travailla pas seul à cette décoration ; bien des morceaux lourds et sans grâce décèlent les mains d’autres artisans, notamment celles un peu rudes de Ciuffagni.

Mais bientôt le jour va tomber. Et puisque, demain, je dois partir, je veux achever mon voyage et parcourir le dernier tronçon de la Via Emilia à travers Rimini. Elle entre dans la ville après avoir franchi la Marecchia, l’antique Ariminus, sur un beau pont en travertin commencé par Auguste et terminé sous Tibère. Ses cinq arches massives, dont les piles sont légèrement obliques pour donner moins de prise au courant, tiennent depuis vingt siècles contrôles assauts du torrent. Cette Marecchia qu’on pourrait aujourd’hui facilement sauter à pieds joints est souvent un fleuve énorme qui rompt ses digues, arrache les arbres des berges et les jette contre les piliers du pont qu’elle submerge parfois. Le ciment romain a jusqu’ici résisté à ses terribles fureurs.

La Via Emilia traverse Rimini sous le nom de Corso d’Augusto. Elle longe la Piazza Cavour où coule une vieille fontaine qui date, dit-on, d’Antonin le Pieux, dont l’eau précieuse est recueillie dans des cruches qui ont conservé une gracieuse forme antique ; elle longe ensuite la Piazza di Giulio Cesare, l’ancien forum de la ville, et aboutit à l’arc de triomphe que le Sénat et le peuple, en l’an 27 avant Jésus-Christ, érigèrent en l’honneur d’Auguste. Des monumens impériaux, c’est l’un des mieux conservés par le temps et les hommes. Tout en travertin, son aspect est très simple, à la fois élégant et majestueux. Deux pilastres, dans lesquels sont encastrées de belles colonnes corinthiennes, soutiennent un arc audacieux de près de neuf mètres d’ouverture. Il est décoré de deux têtes de bœuf, insigne des colonies romaines, et de quatre médaillons représentant Jupiter, Vénus, Neptune et Mars, protecteurs de la cité. Un quadrige traînant un char sur lequel était Auguste le couronnait autrefois ; mais il fut détruit au moment des luttes contre les Goths et remplacé, dans la suite, pur l’actuelle crénelure qui le défigure et l’enlaidit. Contre chacun des piliers s’appuient les remparts de la ville dont il fut longtemps la porte principale, Porta Aurea, ainsi qu’on l’appelait à cause de l’inscription en lettres de bronze doré.