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Petronio qui ont la même disposition que ceux du célèbre campanile. Au concours pour les portes du baptistère, il envoya un Sacrifice d’Abraham qui ne nous est pas parvenu, mais qu’il dut utiliser pour l’une des sculptures de San Petronio. Nous savons par Vasari que les figures en furent déclarées bonnes, mais sans élégance : non avevano finezza. Et c’est bien ainsi que devait paraître aux Florentins raffinés et délicats le rude style de Jacopo.

Personne, plus que M. Marcel Reymond, n’a contribué à faire connaître le maître siennois. Je trouve qu’il exagère un peu quand il déclare que ses œuvres dominent l’art italien ; qu’elles prennent place à côté de celles de Phidias et que, devant une telle grandeur, toute la gentillesse d’un Ghiberti s’efface ; mais il n’en reste pas moins qu’elles sont les seules à annoncer, dès le XVe siècle, les géniales conceptions de Michel-Ange.

Bologne conserve d’autres ouvrages de Jacopo délia Quercia : au musée, deux bas-reliefs et, à Saint-Jacques-le-Majeur, le tombeau du jurisconsulte Antonio Galeazzo Bentivoglio. Ce dernier monument est tout à fait représentatif et de l’art du statuaire et de la ville universitaire qui accordait à ses professeurs des sépultures somptueuses. Sur le devant du sarcophage, nous voyons le maître entouré de ses élèves qui, assis à leur pupitre, recueillent pieusement son enseignement ; le mort est sculpté une seconde fois au-dessus, couché de toute sa longueur sur un plan incliné, la tête et les pieds reposant sur d’énormes in-folio. L’œuvre de Jacopo est extrêmement bien composée et d’aspect élégant. Le visage du gisant est plein de noblesse. Les tombeaux sont souvent les monumens où les sculpteurs mirent le meilleur d’eux-mêmes : c’est qu’il est impossible de penser à la mort sans gravité et sans émotion. Parmi les souvenirs que nous rapportons de nos voyages, les plus forts sont souvent ceux qui se rattachent à cette idée. Je ne puis songer à la volupté des lacs italiens sans me rappeler l’heure que j’ai passée dans un petit cimetière au bord de l’eau étincelante. Et, de même, pour nos visions d’art, celles qui nous parlent de la mort nous laissent les plus durables impressions. La reine des épouvantemens fut toujours la grande inspiratrice des artistes.