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mi-corps ; mais ces médaillons, de moindre importance, ne sont sans doute pas tous de lui. Quant aux quinze bas-reliefs, ce sont presque autant de chefs-d’œuvre, qui laissent des impressions très fortes. Comment oublier par exemple la Naissance d’Adam où le premier homme s’éveille à la vie avec un geste d’étonnement vraiment saisissant et la Création d’Ève dont le visage charmant exprime déjà la plus craintive curiosité ? Ces deux morceaux firent l’émerveillement de Michel-Ange qui s’en inspira en les magnifiant encore par son génie ; mais n’est-ce pas un grand honneur pour Jacopo que d’avoir donné l’idée au maître de la Sixtine de cette admirable Naissance d’Adam où Dieu, dans les nuées, d’un mouvement sublime, communique du doigt à sa créature la vie et l’intelligence ? Parmi les reliefs de l’architrave, le plus beau est celui de la Fuite en Egypte. Les Vierges de Jacopo ont toujours une expression poignante ; celle-ci est extraordinaire. Courbée sur le Bambino comme pour le protéger déjà contre d’invisibles malheurs, elle semble porter sur son visage soucieux toute la destinée merveilleuse et tragique de son divin fils. Combien Jacopo est à part dans son siècle et surtout loin des Florentins ! Vraiment, ce n’est pas un artiste de la Renaissance ; c’est un maître de transition qui relie les sculpteurs des chaires de Pise et de Sienne au sculpteur des tombeaux des Médicis. Il est, en quelque sorte, le dernier des gothiques. Au lieu de la précision et du réalisme gracieux des maîtres du Quattrocento, il cherche les grandes lignes, les formes amples et sobrement traitées. Il néglige le détail et les accessoires ; il ne songe qu’à rendre les mouvemens de l’âme et des figures ; il veut exprimer la vie dans toute sa puissance et sa variété. N’est-ce pas l’art même qui, un siècle avant, s’ébauchait dans l’œuvre naïve des maîtres pisans et qui, cent ans plus tard, s’épanouira dans l’œuvre raisonnée de Michel-Ange ?

Comme le Corrège, Jacopo della Quercia est un isolé ; il n’eut, peut-on dire, ni maître, ni élève. Il grandit à Sienne où il apprit son métier en regardant la chaire de Nicola Pisano et les artistes gothiques qui travaillaient à la construction du Dôme ; c’est à eux qu’il doit son style parfois un peu archaïque, l’abondance inutile des draperies, la surcharge des étoffes et des plis. A Florence, il fut surtout frappé par Giotto et Andréa de Pise, si l’on en juge par quelques-uns des bas-reliefs de San