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aux yeux de Bismarck, c’était trop, déjà, qu’une telle discussion. Il fallait que Krementz signât ce que l’État voulait, ou que la mitre de Krementz tombât !

De grandes fêtes, bientôt, allaient être célébrées au vieux château de Marienburg, pour commémorer la réunion de l’Ermeland à la Prusse ; Guillaume y devait assister ; Krementz se proposait d’y prendre part et de présenter à l’Empereur une députation afin de témoigner à la patrie l’allégresse des catholiques. Bismarck savait l’estime de Guillaume pour Krementz ; il craignit que, dans la cordialité des parades, l’Empereur ne se laissât séduire par ce persuasif homme d’Église, et doucement désarmer. Il fallait donc qu’avant les fêtes, l’État fût brutal, de peur que, durant les fêtes, l’État ne devînt conciliant.

Bismarck fit pression sur Guillaume ; et l’Empereur, le 2 septembre, par une lettre personnelle, invita Krementz à déclarer qu’il était prêt à obéir pleinement aux lois. Le 5, Krementz répondit qu’il ne reconnaissait, dans le domaine de l’État, aucune autre souveraineté que l’État, et qu’en conséquence, il remplirait loyalement le devoir d’obéissance imposé par Dieu. Il ajoutait qu’en ce qui regardait les choses de la foi, la révélation et la parole de l’Église demeuraient sa règle unique. Cette addition mécontenta Bismarck ; il mit au repos la plume de Guillaume, qui, sans doute, se serait déclaré satisfait, et la plume de Falk, qui aurait perpétué les chicanes de mots. En personne, il se dressa devant Krementz, lui Bismarck, et dans une lettre datée du 9 septembre, il essaya d’une nouvelle interpellation. Oui ou non, lui demanda-t-il, voulez-vous confesser, vis-à-vis de votre souverain, qu’en excommuniant des sujets sans en prévenir le gouvernement, vous avez fait une faute ? Si oui, s’il est évident que vous reconnaissez sans aucune réserve (unbedingt) l’autorité des lois territoriales, vous serez admis à Marienburg et reçu par l’Empereur. — Ainsi Bismarck réclamait que Krementz fît acte de repentir pour avoir fait son métier d’évêque, et que, dans ses promesses d’obéissance aux lois, ne se glissât aucune réserve, aucune allusion aux ordres supérieurs de la morale ou de l’Église. « J’obéirai aux lois, avait dit l’évêque le 5 septembre. — Est-ce bien sans réserves ? » reprenait Bismarck le 9. Alors Krementz, le 11, écrivit au chancelier qu’en vérité ces exigences nouvelles l’étonnaient, qu’ayant appris, par un message impérial, les conditions qu’on lui