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procéda Georges d’Amboise au XVIe siècle à Gaillon pour 400 hectares, qui furent vendus en 1815, avec la futaie qui les couvrait, 500 000 francs à une compagnie de marchands de bois. Si quelques parcs de l’ancien régime ont été ainsi dépecés depuis cent ans, il s’en est créé bien davantage de nouveaux, et beaucoup d’anciens ont été augmentés, autour d’habitations notables qui n’en possédaient jusque-là que de fort réduits.

Seul le type singulier dont la seconde moitié du XVIIIe siècle s’était engouée, sous le nom de « jardin chinois » ou « anglais, » a complètement disparu. Pour nous, les épithètes de français ou d’anglais appliquées aux jardins désignent simplement un ensemble de lignes droites ou courbes, celles-ci plus simples, suivant les sinuosités du terrain et exigeant de moindres frais d’exécution et de tenue. Tout au contraire, le « jardin anglais, » tel que l’entendaient ses propagateurs à la fin de Louis XV, était le plus artificiel et le plus alambiqué du monde.

« On ne peut trop remarquer, écrivait-on en 1775, qu’il ait fallu connaître la Chine pour apprendre à imiter la nature ; il est singulier que nous ayons tant tiré de là et qu’il ait fallu que nous allions prendre le bon goût si loin. Il y a environ trente ans que les jardins de la Chine ont commencé à prendre un peu en Hollande, surtout en Angleterre, et ce n’est que de la dernière paix (1763) que, la bonne compagnie française s’étant mise à voyager en Angleterre, — l’anglomanie régnait alors à Paris et la francomanie à Londres, — en a rapporté ce nouveau ton ; si bien qu’on l’imitait partout avec enthousiasme. » Il ne manqua pas de seigneurs, comme le duc d’Aumont à Magny-Guiscard, qui culbutèrent des jardins de Le Nôtre pour les remplacer par la « vraie et riche mode » anglo-chinoise. A la Chine du reste l’on ne prit guère que le kiosque, et ce fut la moindre des « fabriques. »

Lorsqu’un critique disait alors d’un paysage « bien composé : » « la gauche du tableau est occupée par une fabrique, » le lecteur savait que cela signifiait un temple, une tour ou quelque ruine d’architecture. Aujourd’hui ce sens est en train de s’abolir, parce que les « fabriques » ont cessé de plaire, aussi bien en peinture que dans les jardins. Sous Louis XVI elles étaient à outrance à la ville dans les Folies Beaujon, Boutin, Monceaux, comme à la campagne à Ermenonville, chez M. de Girardin, à Mortfontaine chez le président Le Peletier, à Sceaux ou à Liancourt.