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murs, clos de briques ou de branchettes tressées, sont un assemblage d’arbres à fruits, d’herbes médicinales ou potagères, avec quelques fleurs et un banc de gazon où viennent s’asseoir les « suaves pucelles, » échappées par une poterne basse. Le Roi au Louvre a quatre carrés de sauge, hysope, lavande et giroflées, avec un parterre de rosiers et un de lys. Chez Mahaut d’Artois les groseilliers dominent et la Duchesse de Bourgogne, dans son « jardin-Madame, » a surtout des fraisiers et beaucoup d’ail.

L’entretien de ces parterres se faisait à petits frais. Le roi René d’Anjou prenait des « hommes jardineurs » à cinq francs par jour pour nettoyer ses allées ; mais il les employait rarement. Charles V eut d’abord une simple jardinière, payée 1 200 francs par an ; sur la fin de sa vie, ce prince ami du faste avait à l’hôtel Saint-Pol, aux appointemens de 5 000 francs, un jardinier, Philippart Persant, auteur de tonnelles en treilles couchées et enlacées, fort admirées en leur temps. Le duc de Bedford, pendant l’occupation anglaise, bouleversa ces jolies choses et les remplaça par de gros ormes, chèrement amenés par eau au port de l’Ecole. La somme allouée au jardinier de Charles V semblera fort modeste lorsqu’on saura qu’elle n’était pas destinée à rémunérer seulement ses services personnels. C’était un forfait ; il devait là-dessus solder ses aides, ensemencer les choux et les courges aussi bien que les marjolaines, le pourpier et le romarin, planter, — sinon fournir, — les iris et les lauriers et renouveler les mottes de tourbe des pelouses.

Au XVIe siècle fut importé d’Italie ce qui devait s’appeler le « jardin français. » Il avait pour point de départ les vieux parterres et allées symétriques, se coupant à angle droit, ouvert ou aigu ; la nouveauté consista à donner pour cadre, aux broderies et compartimens de verdure et de fleurs, les lignes d’architecture de l’habitation qu’elles épousèrent, tandis qu’au loin des « galeries de charpenteries, » recouvertes de lierre avec arcades variées, créaient une perspective monumentale.

Les Italiens avaient su les premiers développer ce thème avec succès. L’un d’entre eux, dès Louis XII, est mandé pour tracer des jardins où la maçonnerie et la menuiserie jouent autant de rôle que l’horticulture. A côté de Thomas de Lyon, le jardinier ordinaire du cardinal d’Amboise, payé 1670 francs, travaille en 1506 le dessinateur Merculiano qui reçoit pour