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Les marchés sud-africains sont désormais fermés pour nous.

Malgré ces conditions désavantageuses, nos compatriotes n’ont pas perdu tout espoir. Les bœufs dont les marchés orangistes et transvaaliens ne veulent pas, le riz dont la culture est encouragée par le gouvernement, les pierres précieuses qu’on signale en divers points de l’île semblent devoir être, avec l’or, les gages les plus immédiats d’un brillant avenir.

Les journaux français ont relaté, vers la fin de 1909, l’arrivage aux abattoirs de la Villette, d’un troupeau de bœufs malgaches dont la vente a laissé un beau bénéfice aux vendeurs. Les promoteurs de l’entreprise, les colons de l’île ont foi dans le succès grandissant d’une exportation aussi bien commencée. On parle de sociétés constituées pour le commerce de la viande sur pied ; l’écart considérable entre le prix d’achat, qui varie entre 60 et 80 francs, et le prix de vente compris entre 300 et 350 est assez considérable pour assurer contre tous les aléas ; mais, cette fois encore, il convient d’être circonspect. Les indigènes propriétaires de bœufs ne tarderont pas à suivre la loi de l’offre et de la demande ; le renchérissement des animaux est à prévoir. La clientèle pauvre à qui l’on se propose de procurer des pot-au-feu, des roastbeefs peu coûteux, se méfiera des qualités d’une viande à prix réduits que la nouveauté, la mode seules pourront faire admettre quelque temps sur les marchés. Les éleveurs de la métropole sauront, si la concurrence les gêne, faire protéger leurs intérêts au Parlement. Les compagnies de transports maritimes, qui ont accordé des prix spéciaux pour les premières expériences, ne manqueront pas de profiter de la situation si le courant d’exportation s’accentue. Si les sociétés en projet veulent organiser des moyens de transport particuliers pour ne pas subir les exigences des compagnies de navigation, elles s’exposent à une majoration de leurs frais généraux qui compromettra leurs affaires. Il semblerait plus avantageux de renoncer au commerce des animaux vivans pour se limiter, ainsi qu’on l’a tenté à Diego-Suarez, aux produits qui en sont dérivés : viandes frigorifiées, conserves, cornes, peaux et cuirs. Et, même dans cette hypothèse, les exportateurs de Madagascar auront à lutter contre la concurrence des pays d’Amérique plus rapprochés et mieux outillés. Mais ils peuvent s’adjuger sans conteste le marché local avec sa clientèle de troupes, de colons, de missionnaires, de fonctionnaires et de Malgaches européanisés