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favorisés par leur situation géographique, les puissantes installations qu’exigera l’exploitation rationnelle des roches seront difficiles à organiser. Pour conduire à destination un outillage encombrant et lourd, nécessité par le transport à distance de la force motrice hydraulique et par le traitement des minerais, il faut des routes bien tracées et des ponts solides qui n’existent pas à Madagascar. Pour l’extraction des centaines de tonnes de quartz quotidiennes, il faudra une foule de travailleurs dont le recrutement sera malaisé. S’il est fait dans la population indigène très clairsemée, on risquera d’enlever à l’agriculture une main-d’œuvre indispensable ; si, suivant l’usage, il est pratiqué en Chine, un passé récent nous montre qu’on s’exposera à de nombreuses désillusions. La diplomatie ne saura modifier les répugnances de l’Angleterre à permettre l’émigration de ses Cafres et de ses Hindous. Enfin, le ravitaillement des agglomérations ouvrières rassemblées dans les futures cités de l’or serait aussi incertain qu’onéreux. Cet exposé sommaire suffit à démontrer la nécessité, pour la solution même partielle du problème, d’une entente absolue entre le gouvernement de Madagascar et les sociétés minières, entente précédant les périodes d’installation et d’exploitation.

Les colons de l’île semblent croire que la question de l’or prime toutes les autres. Il ne faut donc pas s’étonner si l’on constate la rareté des manifestations industrielles s’exerçant sur des réalités plus modestes et moins séduisantes. L’élan donné à Diego-Suarez par la création d’un point d’appui de la flotte et d’un camp retranché n’a pas survécu à la réduction des navires et des effectifs. Dans les divers ports, on chercherait en vain les témoignages d’une vie intense et prospère. Dans la région centrale, les immenses établissemens fondés à Mantasoa par Jean Laborde et qui occupaient 12 000 ouvriers ne sont plus guère qu’un souvenir, entretenu pauvrement par un détachement de tirailleurs malgaches. Des usines élevées à grands frais au temps des illusions, comme la briqueterie de M. Florence-Orville, s’écroulent dans la solitude ou périclitent. Quelques tentatives intéressantes, savonnerie, huilerie d’arachides, tuileries, brasseries, n’ont pu gagner la sympathie d’une clientèle méfiante ou la faveur du pouvoir.

Une agriculture rudimentaire, une industrie dans l’enfance ne peuvent avoir pour conséquence un commerce florissant. La