Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/437

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

multiplier, ne vaut que par la qualité de la population indigène. Tout a été dit sur les 2 500 000 habitans de races multiples qui se partagent un territoire plus vaste que la France, la Belgique et la Hollande réunies. Leurs origines, leurs mœurs, leur histoire même, sont à peu près connues aujourd’hui par les travaux de chercheurs aussi consciencieux qu’ignorés du grand public. Hovas et Sakalaves, ces ennemis séculaires ; Betsiléos et Betsi-misarakas, ces éternels exploités ; Tanalas, Antandroys, Antanosy, Tsianakas, Antankaras encore sauvages ; Mahafalys presque hostiles, Comoriens rusés ont fourni, dès le début de l’occupation française, les sujets de monographies complètes dues aux observations sagaces des missionnaires, des officiers, des fonctionnaires, et dont l’Administration sut tirer parti. Mais, s’il n’était guère possible, alors, de prévoir le degré d’adaptation de ces tribus ou races diverses au nouvel état économique et politique résultant de l’annexion, chacun était d’avis que les Hovas seraient nos meilleurs auxiliaires par leur vigueur physique, leur endurance, leur douceur, leur esprit d’entreprise et leurs facultés d’assimilation. En réalité, le vernis de civilisation que leur donnaient le fonctionnement d’un gouvernement régulier, la hiérarchie sociale, la connaissance de quelques usages européens, l’envoi d’ambassades, la proclamation du protestantisme comme religion d’Etat, les uniformes, les revues militaires, est tellement superficiel qu’il serait puéril de compter sur leur collaboration immédiate pour la mise en valeur de l’île. Qu’ils appartiennent à la race dont notre intervention arrêta l’expansion politique, ou qu’ils fassent partie de l’un quelconque de leurs multiples groupemens ethnographiques, les Malgaches dressent contre nos tentatives de régénération une triple barrière faite de leur faible nombre, de leur pauvreté, de leur routine.

Soit que l’on s’efforce de pénétrer dans l’immense forêt qui couvre le versant Est de Diego-Suarez à Fort-Dauphin, soit que l’on parcoure en filanzane le plateau mamelonné qui s’étend d’Ambatondrazaka jusqu’au sud de Fianarantsoa, soit que l’on navigue en pirogue sur les fleuves torrentueux qui finissent dans le canal de Mozambique, on est tristement surpris par l’aspect désertique du pays. Si l’on excepte les coupes de bois à l’usage des locomotives de la ligne Tananarive-Côte Est ou des chaloupes qui circulent sur les Pangalanes, les ressources de la forêt sont presque inexploitées. Là où les Annamites, les