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La vitesse des bolides est en disproportion avec les plus grandes vitesses que puissent prendre les corps terrestres : elle semble être de 20 000 mètres à la seconde (70 000 kilomètres à l’heure), c’est-à-dire de l’ordre des vitesses planétaires. En effet, Mercure parcourt dans le même temps d’une seconde : 48 920 mètres ; Vénus, 35 780 mètres ; la Terre, 30 430 mètres ; Mars, 24 650 mètres.

On évalue à soixante-cinq kilomètres en moyenne la hauteur des bolides dans le ciel. Le colonel Laussedat, à l’aide d’une méthode ingénieuse, a trouvé que le bolide d’Orgueil a, durant sa trajectoire, été à des hauteurs qui ont varié de quatre-vingt-dix à quarante-cinq kilomètres.

C’est à cause de cette hauteur et de leur éclat que les bolides sont aperçus sur une très grande étendue de pays. Le bolide d’Orgueil a été vu par Adolphe Brongniart, de Gisors (Eure), c’est-à-dire à une distance de six cents kilomètres du lieu de la chute. Le bolide du 30 mai 1866, qui a éclaté dans l’Aube, a répandu sa lumière sur un rayon de quatre-vingt-cinq kilomètres.

Le bolide, en suivant sa trajectoire, laisse derrière lui une traînée souvent d’un grand éclat et persistant parfois durant plusieurs minutes. La coloration et la forme en sont variables. D’ordinaire, c’est une queue plus ou moins allongée et grossièrement triangulaire ou globuleuse. Le bolide que l’on vit à Boulogne-sur-Mer, le 20 juin 1866, était suivi d’une nébulosité contournée en hélice et ressemblant à un énorme tire-bouchon.

Au bout de sa trajectoire, qui est plus ou moins étendue, le bolide fait explosion et se divise en plusieurs éclats projetés dans diverses directions. Le bruit, qui met plusieurs minutes pour parvenir aux spectateurs, est formidable : le fracas de la chute de Laigle retentit à plus décent vingt kilomètres ; celui de la chute d’Orgueil à plus de trois cent soixante. Cette vibration énorme se produit pourtant dans des régions de l’atmosphère où l’air, extrêmement raréfié, se prête mal à la propagation du son.

L’explosion est rarement simple. On entend d’ordinaire un certain nombre de détonations qui font penser à des décharges d’artillerie et qui sont accompagnées ou suivies d’un roulement comparé, tantôt à celui d’une voiture lourdement chargée,