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des sciences reçut de l’abbé Bachelay le résumé des dépositions faites par les témoins de la chute. Rien de plus net et de plus précis que ce récit, accompagné d’un fragment de la pierre :

« Il parut du côté du château de la Chevalerie, près de Lucé, petite ville du Maine, un nuage orageux dans lequel il se fit entendre un coup de tonnerre fort et sec, à peu près semblable à un coup de canon ; on entendit à la suite, dans un espace d’à peu près deux lieues et demie, sans apercevoir aucun feu, un sifflement considérable dans l’air, et qui imitait si bien le mugissement d’un bœuf, que plusieurs personnes y furent trompées. Enfin, plusieurs particuliers, qui travaillaient à la récolte dans la paroisse de Périgné, à trois lieues environ de Lucé, ayant entendu le même bruit, regardèrent en haut et virent un corps opaque qui décrivait une ligne courbe, et qui alla tomber sur une pelouse, dans le grand chemin du Mans, auprès duquel ils travaillaient. Tous y accoururent promptement et trouvèrent une espèce de pierre dont la moitié environ était enfoncée dans la terre. Mais elle était si chaude et si brûlante qu’il n’était pas possible d’y toucher. »

Pour examiner le fait, l’Académie nomma une commission, dont était Lavoisier. Un rapport fut rédigé dans lequel le fondateur de la chimie, qui fut aussi l’un des promoteurs de la méthode scientifique, s’exprime en ces termes :

« Les vrais physiciens, dit ce curieux document, ont toujours regardé comme fort douteuse l’existence des pierres de tonnerre ; » voir le mémoire publié (soixante-douze ans auparavant) par Lemery.

Première erreur qui engage les commissaires dans une fausse route. Ils n’examinent pas s’il est tombé une pierre à Lucé et dans quelles conditions : ils se bornent à soutenir qu’il n’existe pas de pierres de tonnerre.

« Si l’existence des pierres de tonnerre a été regardée comme suspecte dans un temps où les physiciens n’avaient presque aucune idée de la nature du tonnerre, à plus forte raison doit-elle le paraître aujourd’hui, que les physiciens modernes ont découvert que les effets de ce météore étaient les mêmes que ceux de l’électricité. »

Le récit de l’abbé Bachelay n’arrête point les auteurs du rapport : leur idée préconçue les tient tout entiers. Ils font l’analyse de la pierre : « une espèce de grès pyriteux qui n’a rien de