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météorite, très vraisemblablement. Celle qui tomba le 7 novembre 1492, devant l’empereur Maximilien, à Ensisheim, en Alsace, et dont notre grande collection nationale comprend un magnifique spécimen, fut enchaînée dans l’église de ce village jusqu’à l’époque de la Révolution. Ambroise Paré dans son Traité des monstres, écrit : « Boistuan raconte en ses Histoires prodigieuses qu’en Sugolie, située sur les confins de Hongrie, il tomba une pierre du ciel avec un horrible éclatement, le septième jour de septembre 1514, de la pesanteur de deux cent cinquante livres, laquelle les citoyens ont fait enclaver avec une grosse chaisne de fer au milieu de leur temple et se monstre avec une grande merveille à ceux qui voyagent par leur Province, chose merveilleuse que l’air ait pu soutenir une telle pesanteur. »

M. l’ingénieur E. Derennes fait mention d’un gros bloc de grès, à Gauchin-Légal, attaché sur la place par des chaînes de fer, parce qu’il avait la réputation de s’en aller pendant certaines nuits faire du grabuge dans le voisinage. Et de ce fait, M. Derennes conclut que, si les météorites sont enchaînées dans les lieux consacrés, c’est parce qu’on redoute de les voir partir, comme elles sont venues, d’une façon qu’on juge surnaturelle.

En face de ce dérèglement d’imagination, bien excusable chez des hommes dépourvus d’instruction, il est nécessaire de constater que les savans eux-mêmes ont erré bien longtemps dans l’interprétation du phénomène, et qu’après avoir accepté, comme les gens des campagnes, des affirmations sans preuve, ils ont été un moment unanimes à nier purement et simplement ce qu’ils ne pouvaient comprendre. L’erreur commise, si elle ne s’excuse pas complètement, a cependant ses raisons. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, l’explication la plus raisonnable de la chute des pierres consistait à en faire l’une des formes de la foudre : les éclats de lumière et les détonations, traits essentiels des deux phénomènes, suffisaient pour qu’on les confondît. Lorsque la foudre, mieux étudiée, se révéla identique à l’immatérielle électricité, on en conclut qu’elle ne saurait se manifester par les blocs, souvent volumineux, que le langage populaire avait pris l’habitude de désigner sous les noms de pierres de foudre et de pierres de tonnerre. On en conclut qu’il ne tombe pas de pierres du ciel.

Une pierre étant tombée le 13 septembre 1768, l’Académie