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recueillit, dit-on, plus de douze cents pierres, « tombées en sifflant d’un tourbillon de feu, » et dont la plus grosse pesait cent vingt livres. Plusieurs d’entre elles furent portées à Milan et même présentées à la Gourde France. Or, c’est le 11 avril 1512 qu’eut lieu la bataille de Ravenne qui, malgré leur victoire, fut le signal du départ des Français. Que Jules II, le pape guerrier, ait vu dans le météore de Crema le signe céleste de la délivrance prochaine, voilà qui cadre bien avec toutes les idées du temps, et le tableau de Raphaël serait un ex-voto et une figure d’histoire naturelle, en même temps qu’un chef-d’œuvre de l’art.

Les superstitions relatives aux météorites sont de tous les pays et de tous les temps. Nos paysans, terrifiés de la chute, pourraient bien y voir, du moins en certaines provinces, une intervention du diable. En revanche, les pierres ont souvent passé pour des talismans. Le 4 septembre 1886, des Cosaques, ayant assisté à la chute qui eut lieu à Novo Urey, près de Krasnoslobolsk, dans le gouvernement de Penza, se jetèrent sur la météorite, la mirent en poussière et en avalèrent le plus possible, croyant se garantir ainsi de toutes les maladies. La masse était grosse et la gloutonnerie de ces barbares ne put venir à bout du tout. Nous en possédons un spécimen au Jardin des Plantes de Paris. Le type est rare et précieux, et renferme dans sa substance des grains microscopiques de diamant.

Le magnifique bloc de fer météoritique découvert à Charcas, au Mexique, était considéré dans ce pays comme préservant de la stérilité les femmes qui lui rendaient un culte. Il pèse 780 kilogrammes et était enchâssé dans le mur de l’église de Charcas, d’où il fut extrait par nos soldats, lors de l’expédition du Mexique. Il est parmi les plus beaux échantillons du Muséum.

Les nègres ne pouvaient manquer de faire des fétiches des pierres tombées du ciel. Les Ashantis, dit-on, en révèrent un grand nombre dont chacune a son petit temple. Chez une autre peuplade, des voyageurs ont vu un aérolithe couvert de vêtemens et de verroterie et considéré comme un dieu.

En Italie, à Vago, le 19 juin 1668, tomba une pierre dont le Muséum possède neuf grammes. La masse fut portée à l’église de Vérone et attachée avec une chaîne de fer.

Un certain nombre de pierres célestes sont de même enchaînées : tel est le cas de la pierre noire de la Mecque, — une