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Peu importe par quel ministère tout sera accompli. Nous pouvons, dit-il, y compter fermement. Il me tiendra au courant de tout.

M. de Mercey n’est point chargé de ces affaires, m’a-t-il dit. Je n’ai pas à le voir, puisque M. Fould lui-même veut bien s’y employer.

Dès que vous aurez à me parler des suites de cette. douloureuse négociation et peut-être de quelques détails malheureusement trop funèbres, écrivez-moi, selon nos conventions : demain, je serai chez vous à l’heure de l’après-midi, et vous me trouverez comme en ce moment, c’est-à-dire plein de douloureux regrets, de souvenirs doux et impérissables d’une amitié que rien ne saurait éteindre et que vous me permettrez, Monsieur, de reporter à présent sur vous.


Absent de Corbeil lorsque cette lettre y arriva, Ernest Boyer adressa, le 9 mai, à Vigny l’expression de sa profonde gratitude. Il lui offrait de lui communiquer les dernières lettres de M. Saint-René Taillandier, mais M. Saint-René Taillandier lui-même avait écrit à Vigny.

Il lui avait, dès le 5 mai, fait le récit de ces quinze jouis de souffrance où « les efforts du médecin » et tous les soins des amis de Brizeux « ne pouvaient tendre qu’à soulager son mal, à lui adoucir ce passage d’une vie à l’autre. » La fin de cette lettre est à recueillir : « Il m’a souvent parlé de vous dans ses derniers entretiens. Il aimait en vous l’artiste et l’homme, le poète et l’ami. J’accomplis un de ses vœux en vous adressant de sa part un adieu suprême. »

En lisant ces lignes, Alfred de Vigny se rappela peut-être une touchante pièce des Histoires poétiques, cette Fleur de la tombe, citée avec admiration par Villemain, et dédiée à l’amie Anglaise que l’auteur des Destinées appelle quelque part « sa chère Madame Holmes. » Cette pièce s’achève sur deux vers où s’expriment, en toute simplicité, la tendresse d’âme de Brizeux et sa fidélité loyale :


Hélas ! s’il est des cœurs prompts à se délier,
D’autres veulent mourir plutôt que d’oublier.


ERNEST DUPUY.