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et fier d’être choisi pour le porter à la connaissance du public. » Le second autographe, plus inattendu encore peut-être, est celui du Comte de Chambord. En réponse à l’envoi du volume qui contient les deux articles, il remercie « son cher cousin, » et il reconnaît galamment qu’il appartenait au Duc d’Aumale plus qu’à personne de raconter l’histoire de deux corps qui sont l’œuvre du gouvernement de Juillet, « et qui soutiennent si dignement aujourd’hui, sous les murs de Sébastopol, la brillante renommée qu’ils ont acquise en Algérie. »

La publication des lettres du maréchal de Saint-Arnaud, qui se fit également en 1855, fournit à Cuvillier-Fleury l’occasion d’apprendre au prince, qui ne les connaissait pas, avec quel sentiment de respect et de sympathie le maréchal, quoiqu’il fût étroitement associé à la fortune de l’Empire, parlait de son ancien gouverneur général. A Taguin, il s’était fait expliquer la position de la Smalah d’Abd-el-Kader et celle du duc d’Aumale. Il en concluait qu’il n’y avait pas de plus beau fait d’armes. A son avis, c’était, avec la prise de Constantine, le fait saillant de la guerre d’Afrique. « Il fallait un prince jeune et ne doutant de rien pour l’accomplir. » En 1851, au moment de s’engager dans la politique active, Saint-Arnaud avait tenu à s’expliquer, presque à s’excuser auprès de son ancien chef. Le Président de la République le mandait à Paris, il ne pouvait désobéir, mais son cœur restait en Afrique. C’est là qu’il avait grandi, c’est là que l’attachaient ses plus doux souvenirs. Quoi qu’il arrivât d’ailleurs, il priait le Duc d’Aumale de le plaindre sans le condamner. Il demandait à n’être pas jugé sur les apparences, et il assurait le prince de son inébranlable dévouement.

A la fin de l’année 1855, nulle part la nouvelle de la prise de Sébastopol ne fut accueillie avec plus de joie que dans la demeure du Duc d’Aumale à Twickenham. Le Duc se félicitait que le premier régiment des zouaves fût entré avant tout autre à Sébastopol ; il répétait que les Français restaient les premiers soldats du monde et il faisait tirer le canon en leur honneur. La lettre qu’il adresse alors au général Pélissier témoigne du double sentiment qu’il éprouve, l’admiration pour une si belle action de guerre et le regret de n’avoir pu y participer. « Celui qui écrit ces lignes aurait donné bien des choses pour fouler aux pieds les décombres fumans de Sébastopol. De tout ce qu’il a perdu, ce qu’il regrette le plus, c’est l’honneur de commander à