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généraux, tous les gouverneurs et ne fait pas même une allusion au Duc d’Aumale. » Puis au bout de quelque temps, se ravisant et devinant le mot de l’énigme, il s’était traité d’imbécile à la grande joie des assistans.

Cousin disait dans son langage un peu emphatique, avec cette mimique théâtrale dont il accompagnait généralement ses paroles : « C’est d’un prince ; il n’y a qu’un prince qui pouvait avoir ce désintéressement de sa propre gloire et dire ainsi du bien de tout le monde. » Il répète le même propos en remerciant le Duc d’Aumale de l’envoi des deux articles réunis en volume et il indique éloquemment comment il comprend le rôle de prince. « Le vrai prince, c’est celui qui ne tient pas compte des opinions qui divisent, mais des services qui réunissent, qui loue également et avec la même effusion Changarnier et Cavaignac, Lamoricière et Saint-Arnaud, et qui, un jour, pourra dire à tous les gens de cœur, de quelque passé qu’ils aient été : Aimons la France, servons-la. » Mme de Vatry, après avoir lu Les Zouaves pour son propre compte, en faisait une lecture publique pour ses invités. La duchesse de Galliera se vantait d’avoir deviné l’auteur dès la seconde page. Montalembert, le chancelier Pasquier, Duchâtel, Vitet tenaient à ce qu’on sût qu’ils étaient parmi les plus satisfaits. Emile Augier, ancien camarade du prince au collège Henri IV, écrivait une lettre émue. Les anciens généraux d’Afrique, Le Flô, Bedeau exilés à Bruxelles, remerciaient chaudement leur ancien compagnon d’armes de l’hommage rendu aux troupes algériennes. Mignet, Tocqueville, Villemain, Falloux, Thiers, Guizot s’associaient de grand cœur à l’admiration générale.

Parmi les félicitations que reçut le Duc d’Aumale, mettons à part deux autographes qui sont en la possession de M. Henri Limbourg. Le premier est de l’homme le moins prodigue de complimens que j’aie connu, François Buloz, directeur de la Revue des Deux Mondes. Lui qui avait pour principe de ne jamais adresser d’éloge à ses collaborateurs afin de ne pas les gâter et de les pousser toujours à faire mieux, cette fois par exception il est charmé, il est conquis et il ne peut s’empêcher de le dire. « Permettez-moi, écrit-il au prince, de vous exprimer ma reconnaissance et mon admiration. J’ai éprouvé en vous lisant hier et il y a quinze jours un des rares plaisirs de ma vie de reviewer. C’est parfaitement simple, noble et militaire, et je suis heureux