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il avait servi de bonne heure et il travaillait en conscience à perfectionner son instruction militaire. Aux dons particuliers de son esprit, à ses heureuses facultés naturelles, il ajoutait sans cesse par l’observation et par l’étude. Il connaissait l’organisation des armées étrangères aussi bien que celle de la nôtre, il lisait tout ce qui paraissait en France ou hors de France sur l’art de la guerre. Il aimait le progrès et ne redoutait pas les initiatives. Usant de l’influence que lui donnait sa qualité d’héritier du trône, c’est lui qui avait fait décider la formation du premier bataillon de tirailleurs. Il l’avait vu manœuvrer à Vincennes et se battre en Algérie ; convaincu que ces troupes légères augmenteraient la valeur de l’infanterie française, il obtint qu’on accrût le nombre des bataillons et il procéda lui-même à leur organisation. Une de ses grandes préoccupations fut la composition du corps d’officiers et le choix des commandans. On peut dire que le prince royal eut la main particulièrement heureuse lorsqu’on trouve parmi les dix premiers commandans les noms de Ladmirault, de Mellinet, de Cler, d’Uhrich, de Mac-Mahon. Les nouveaux bataillons furent constitues et exercés près de Saint-Omer où existait un baraquement permanent, un vaste champ de manœuvres et tous les établissemens nécessaires à une nombreuse réunion de troupes. Le Duc d’Orléans y passa une partie du premier hiver, afin de tout voir et de tout diriger par lui-même.

En mai 1841, « par une belle matinée de printemps, écrit le Duc d’Aumale, une colonne profonde entrait dans Paris avec une célérité inconnue ; pas de faux éclats, pas de clinquant, des clairons pour toute musique ; un costume sombre, mais dont la simplicité harmonieuse ne manquait pas d’élégance. » Malheureusement l’année suivante, au moment où le Duc d’Orléans allait faire exécuter sur une grande échelle un simulacre d’opérations militaires, il tomba victime de l’accident le plus imprévu. Par un pieux souvenir, son nom resta attaché à l’histoire des chasseurs. Ils le portèrent glorieusement. Pour en fournir la preuve, il suffit à l’historien de raconter le combat de Sidi-Brahim dont le souvenir se conserve encore aujourd’hui comme une date mémorable dans tous les bataillons. On retrouve les chasseurs dans toute la beauté de leur rôle à Isly, à Zaatcha, au siège de Rome. Voici comment les caractérise le Duc d’Aumale qui les avait eus plus d’une fois sous ses ordres : « Agiles,