Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/308

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE PREMIER EXIL
DU
DUC D’AUMALE[1]

La première et la seconde partie de la vie du Duc d’Aumale, telles que nous les présente M. Henri Limbourg en publiant deux volumes de la correspondance du prince et de Cuvillier-Fleury, offrent un des contrastes les plus frappans et les plus douloureux de l’histoire. Dans la première partie, tous les élémens du bonheur, une naissance illustre, le voisinage du trône, la qualité de fils de roi, l’occasion de servir avec éclat dans les rangs de l’armée française, la conquête rapide des grades les plus élevés, l’exercice d’un grand commandement à l’âge où les autres servent encore dans les postes subalternes, et avec cela un tel mérite personnel, un tel ascendant sur les hommes, un tel dévouement et de si grands succès que personne ne s’étonne d’une si haute fortune. Puis, tout à coup, en quelques heures, l’anéantissement complet, la perte du rang, des honneurs, de la fonction et, ce qui est plus cruel encore, la perte de la patrie. La veille des journées de février 1848, le Duc d’Aumale, à vingt-six ans, est gouverneur général de l’Algérie ; en pleine fleur de jeunesse, en pleine activité d’esprit et de corps, il peut nourrir l’espoir de rendre encore à son pays de longs et éclatans services. Le lendemain, il n’est plus rien, rien qu’un exilé, obligé de chercher un refuge sur la terre étrangère.

Lui-même, du reste, l’avait voulu ainsi. On se rappelle avec

  1. Correspondance du Duc d’Aumale et de Cuvillier-Fleury, t. II, 1848 à 1859. Plon, 1910.