Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/300

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’histoire lui soient fermées ; ou tout au moins n’exigeons pas à la porte de l’histoire précisément les qualités qui en histoire sont des défauts. » Tel est l’état d’esprit de beaucoup de professeurs d’histoire, non seulement à la Sorbonne, mais même dans les facultés de province et peut-être beaucoup plus dans les facultés de province que… enfin telle est la mentalité de beaucoup de professeurs d’histoire. Et c’est pour cela que la dissertation française donnée par un professeur de littérature, toujours suspect d’être un rhéteur, a été supprimée aux épreuves communes de la licence.

Il y a eu peut-être là un excès de terreur ; mais remarquez bien, ce que personne ne songe à dire, que le candidat à la licence-histoire, à côté de la dissertation française donnée par un professeur de littérature, avait à faire un devoir, également on français, sur un sujet d’histoire. Les professeurs d’histoire pouvaient donc juger de sa manière d’écrire en français, et d’écrire en français sur une matière historique. Ils n’avaient donc pas besoin du témoignage des professeurs de littérature sur le français de leur candidat ; ils estimaient en pouvoir suffisamment être juges tout seuls ; et leur dire qu’ils avaient affaire d’un professeur de français pour les aider à juger du français de leur candidat, eût été une forte impertinence dans le sens moderne et dans le sens ancien du mot. Il ne faut pas faire tant d’état que l’on en fait de la suppression de la dissertation française aux épreuves communes de la licence. On peut devenir un professeur d’histoire correct en ses propos après n’avoir été examiné sur le français dont on use que par des professeurs d’histoire.

Sans pousser plus avant dans le détail, on peut dire que la crise du français n’est nullement le fait des facultés des lettres ; que même elles ne la favorisent pas ; qu’elle est un fait qui a des causes très générales ; qu’elle est un mal pour lequel il ne saurait y avoir que des palliatifs ; que ces palliatifs, ce n’est que dans une contre-réforme de l’enseignement secondaire qu’il faudrait les chercher, si l’on tenait à ce que le mal fût atténué.

Les accusations qui consistent à reprocher aux facultés des lettres d’avoir abandonné l’éducation du goût et d’y avoir substitué la science littéraire, la science historique des littératures, au moins ne se trompent pas d’objet et, en s’adressant aux facultés des lettres, vont où elles doivent aller. Oui, les facultés des lettres, et en particulier la Sorbonne, veulent enseigner