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les Français. » Ce dernier trait parait bien s’appliquer à M. Léon Bourgeois, un des principaux champions de la campagne radicale et radicale-socialiste. M. Millerand affirme d’ailleurs qu’il ne sera rien aliéné du programme politique et social du gouvernement, mais il estime que son exécution a tout à gagner à l’apaisement des esprits. Quand l’heure en sera venue, nous discuterons le programme ministériel, et peut-être alors des divergences sérieuses se manifesteront entre nous ; mais il vaut mieux qu’elles se produisent sur de hautes questions politiques que sur des intérêts de personnes, et des passions de partis. Qui pourrait dire ce que sera l’avenir ? Nous ne parlons que du présent.

L’avenir est d’autant plus incertain que, de la politique de M. le président du Conseil, on ne connaît jusqu’ici que les intentions, et sans doute elles suffisent pour lui assurer une place très distinguée, très honorable, parmi les hommes politiques qui ont marqué dans la République, mais non pas encore parmi les hommes d’État véritables. Nous n’attendons de lui que la réalisation de ce qu’il a promis ; non pas, par conséquent, des corrections qui seraient pourtant très désirables à l’œuvre bâclée au cours de ces dernières années, mais l’égalité de tous les citoyens devant l’administration qu’ils entretiennent tous. Si M. Briand fait cela, il aura fait beaucoup et le pays lui en saura gré. Qu’on ne s’y trompe pas, en effet : le désaccord s’accentue entre les politiciens actuels et le pays. Celui-ci est avec M. Briand, alors qu’une partie de ceux-là, ceux qui viennent de manifester dans les conseils généraux, sont contre. Voilà la vérité. On parle beaucoup d’une équivoque : le mot est inexact. Il n’y a pas d’équivoque dans la situation, mais il y a seulement grande confusion. Elle vient de ce que l’évolution inévitable, fatale, est commencée, mettant en présence les intérêts, les habitudes, les mœurs du passé qui se défendent et les nécessités de l’avenir, déjà même du présent. Il faut la haute pensée d’un homme d’État pour présider à cette évolution et M. Briand semble en être doué ; mais il y faut aussi une grande force de caractère et une grande habileté de main, car, en politique, la conception n’est rien sans l’exécution. M. Briand a-t-il ces qualités exécutives ? On l’espère toujours : qui sait pourtant s’il n’a pas perdu un temps précieux ? Il se tait, il réfléchit, il attend : nous souhaitons qu’à force d’attendre, il ne laisse pas échapper le moment opportun, qui si souvent ne revient plus.


Nous arrivons bien tard pour parler du circuit de l’Est. Que