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doivent pas faire de politique, si en effet ils s’en abstenaient toujours ; mais de tout temps, quelques-uns d’entre eux se sont plu à jouer les parlemens au petit pied et à adresser des remontrances au pouvoir. Le fait vient notamment de se produire dans le Puy-de-Dôme et dans le Rhône : parler de ces deux départemens nous permet de négliger les autres. A Clermont, c’est le président qui a pris la parole et, satisfait de son discours, il n’a pas demandé à l’assemblée de le consacrer par un vote. A Lyon, au contraire, une motion a été votée.

Le président du conseil général du Puy-de-Dôme est un député, M. Chamerlat. Sa modestie l’avait maintenu jusqu’à ce jour dans un rôle effacé, au point qu’en entendant prononcer son nom pour la première fois, tout le monde s’est demandé avec quelque étonnement ce qu’était cet homme farouche, et les biographes se sont trouvés en défaut. M. Chamerlat est un député comme tant d’autres, qui votent suivant le mot d’ordre de leur parti sans avoir, en temps ordinaire, la prétention de le donner. Faut-il croire que les temps ne soient pas ordinaires ? Le péril a paru si grand à M. Chamerlat qu’il est sorti de son silence. « Notre situation politique intérieure, a-t-il dit, est d’une telle gravité qu’elle n’a certainement échappé à aucun de vous. Depuis l’arrivée au pouvoir du ministère actuel, une orientation nouvelle a été donnée à notre politique, orientation qui, a-t-on pu écrire justement, « permet aux réactionnaires de toute nuance de s’abriter, « pour se poser en républicains, derrière le nom et le langage du chef « du gouvernement. » Nous ignorons à qui M. Chamerlat a emprunté cette citation, mais elle exprime bien le principal grief de son parti. M. Chamerlat rappelle que ses amis, « les radicaux intransigeans, » avaient fait un chaud accueil au ministère Briand. « Pas un moment, dit-il, nous ne lui avons marchandé notre confiance. Pourquoi faut-il que son attitude ait refroidi notre zèle ? Pourquoi jeter le-trouble dans nos esprits ? Pourquoi ces équivoques troublantes ? Nous ne pouvons continuer de vivre dans cette incertitude et, si M. le président du Conseil ne veut pas le comprendre, il nous trace notre devoir. Pour nous, comme par le passé, le péril est à droite, et si c’est à droite que penche le gouvernement, ce n’est plus à ses côtés qu’il trouvera mes amis et moi pour le défendre, mais en face de lui pour le combattre. » M. Chamerlat, on le voit, parle en chef de parti. « Mes ami et moi, » dit-il fièrement, ce qui donne certes plus de portée à son discours, car si on le connaît peu lui-même, on connaît fort bien ses amis : ce sont les radicaux-socialistes qui, arrivés au pouvoir il y a une douzaine d’années, en ont fait un usage dont le pays commence