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A Salamanque et dans les environs, vers la fin du XVe siècle. Hors des portes de la ville, devant le jardin fleuri de Mélibée, dames et cavaliers, le faucon sur le poing, se mettent en chasse. La sonnerie des cors s’unit au chant des vieux « romances » d’amour. Le jeune Caliste, épris de la belle Mélibée, n’a pas suivi ses compagnons. Demeuré seul, avec deux fripons de valets, il pénètre dans le jardin et se déclare à la jeune fille. Celle-ci, feignant un grand courroux, le repousse. Mais l’un des valets a tôt fait d’aller quérir et d’amener à son maître une digne personne, experte en cette sorte d’offices, la Celestina. Le premier acte s’achève sur la promesse qu’elle fait à Caliste de le servir, et sur le retour tumultueux de la chasse.

Second acte : chez Caliste, plein d’angoisse et d’espérance. Arrive, — déjà ! — la Celestina, apportant comme premier gage certain cordon bénit emprunté par elle à Mélibée sous prétexte de l’appliquer à guérir la blessure d’un seigneur de sa connaissance. Caliste, de plus en plus pressant, exige un rendez-vous et court à l’église, prier le Seigneur qu’il bénisse la mission de Celestina auprès de Mélibée.

Le Seigneur, au commencement du moins, ne la maudira pas. L’active Celestina obtiendra sans peine de Mélibée défaillante l’aveu de sa passion et la promesse d’un rendez-vous. Elle se hâte d’en porter la nouvelle à Caliste et sur le parvis de l’église elle reçoit de lui, parmi d’autres présens, une chaîne d’or qui lui sera funeste.

La nuit est venue. A travers la fenêtre grillée, Caliste et Mélibée échangent propos et sermens d’amour. Cependant la Celestina est retournée en son logis. Elle y a convié les deux valets ses complices et deux jeunes personnes, ses associées ou ses clientes, pour fêter le succès de l’affaire et pour en partager les bénéfices. Partage difficile, et qui finit mal. Les deux garnemens exigent plus que leur part. La chaîne d’or les tente et pour l’avoir ils assomment la duègne. Aux cris de leurs compagnes, on les arrête, on les condamne, et le tableau suivant nous les montre conduits à l’échafaud.

Acte quatrième et dernier. La nuit encore, chez Mélibée. Dans les jardins en terrasse, parmi les cyprès et les roses, au clair de lune, duo d’amour, de grand, de frénétique amour. En bas, au pied de la muraille, un petit page de Caliste fait le guet. Des passans lui cherchent querelle et l’attaquent. Son maître en toute hâte veut courir ou plutôt descendre à son secours, mais il manque un degré de l’échelle, il tombe et s’écrase sur le pavé. Alors, comme dit la mélancolique chanson, « Madame à sa tour monte. » Ses cris ont réveillé son père.