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faire vendre en masse toute sa récolte de tannée et ensuite d’acheter au marché toutes les denrées nécessaires, et de régler ainsi, sur son avoir, son intérieur et sa dépense de chaque jour. »

Comme lui, ses concitoyens, dans l’ensemble, devaient rester fidèles à leurs habitudes campagnardes jusqu’en 431.

La manière de voir d’Hérodote, qui était d’une génération postérieure aux guerres médiques, n’est pas moins caractéristique. Qu’on écoute par exemple les paroles qu’il prête à Solon, philosophant devant les trésors de Crésus :

« Un homme qui a de grands trésors n’a guère que deux avantages sur un modeste propriétaire, déclare-t-il : il peut satisfaire certains caprices, — et il est en état de résister à de grandes et subites catastrophes… »

Manifestement, l’or et l’argent sont pour Hérodote un appoint qui peut être précieux par aventure, mais ils ne sauraient servir de base solide à l’économie d’une famille.

Qu’on prenne encore chez lui, entre autres, l’histoire du Lydien Pythios. Ce Pythios avait reçu, à Célènes, le roi Xerxès et son armée, qui partaient pour la Grèce (480) ; il avait annoncé qu’il fournirait des subsides au Roi :

« Xerxès, étonné, demanda à Pythios à combien s’élevait sa richesse. « Roi, dit celui-ci, je ne te cacherai rien ni ne feindrai de ne pas connaître ma fortune ; je la connais, et vais te la dire exactement. Dès que j’ai su que tu allais descendre vers la mer de Grèce, voulant t’aider dans cette guerre, j’ai fait le compte de mes trésors, et j’ai trouvé, on argent, 2000 talens, et, en or, 4 millions de dariques, à 7 000 près. Je te donne tout cela : pour moi, mes esclaves et mes terres me suffisent. »

Il est possible que les chiffres soient exagérés : on voit en tout cas comment cet or, cet argent, dorment dans les coffres de Pythios, sans qu’il songe à faire travailler tant de capitaux. S’il en était ainsi en Lydie, pays de transit, où avait été inventée lai monnaie, on ne sera pas surpris qu’il en fût de même à Athènes[1].

Lors de l’apparition de la monnaie, les premiers capitalistes qu’eût connus Athènes avaient avancé de l’argent aux propriétaires et aux tenanciers du sol, et l’Attique avait traversé, dès cette époque, une crise de dettes. Mais Solon, non content

  1. Notons qu’Hérodote appartenait à une grande famille d’Halicarnasse, et avait eu un patrimoine important à administrer.