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Nous avons peine aujourd’hui à nous représenter l’Attique comme une terre à blé, et pourtant, il est de fait qu’elle a longtemps nourri sa population[1]. C’est par la déesse d’Eleusis, Déméter (Cérès), que le blé, d’après les Athéniens, avait été révélé aux hommes, et la légende n’a pu être inspirée que par la vue des riches moissons de la plaine Rarienne. Sans remonter au temps des dieux, nous savons que Solon (v. 394-3) avait dû interdire l’exportation de blé : les grands propriétaires, pour tirer meilleur parti de leurs terres en fournissant Mégare ou Corinthe, n’hésitaient pas alors à exposer le pays à la disette. Sous Pisistrate, les progrès de la culture, encouragés intelligemment, avaient été parallèles à l’accroissement de la population. Même au temps des guerres médiques, l’Attique se passait des blés du Pont (Russie méridionale), nécessaires déjà à tant de cités grecques. Hérodote raconte quelque part qu’en 480, Xerxès, traversant les détroits, rencontra des navires qui venaient de la Mer Noire porter du pain aux Grecs. Or, ces navires se rendaient à Égine et dans le Péloponnèse (sans doute à Argos, Corinthe, etc.) : ils n’allaient pas à Athènes.

La récolte du blé constituait certainement encore le revenu principal des propriétaires attiques. C’est à leur moisson que pensaient la plupart d’entre eux, dans l’amertume de l’invasion perse : « Nous compatissons à vos maux, leur disent les Spartiates en 479 ; vous avez déjà perdu deux récoltes, et voilà longtemps que vous êtes sans abri. Mais les alliés s’engagent à nourrir vos femmes et toutes vos bouches inutiles, tant que durera cette guerre. » Même au temps de la guerre du Péloponnèse, c’est au moment de la moisson que l’ennemi envahissait l’Attique, comptant exercer ainsi la plus grande pression possible sur la population.

C’est donc la production du blé qui nous donnera l’idée la plus claire de la richesse des différentes classes. Le pentacosiomédimne fait au moins 666, 66 médimnes, revenu brut ; mais le revenu net, d’après les évaluations les plus dignes de foi, était à peine égal à la moitié de cette quantité. Les anciens estimaient que c’était de quoi nourrir plus de 40 personnes. Comme il est spécifié que le revenu doit provenir « de la propriété, »

  1. Nous prenons blé dans le sens général. La céréale la plus répandue en Attique était l’orge : au IVe siècle, la proportion de l’orge au froment était de 10/1 à Salamine, il ne poussait que de l’orge.