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Anvers en 1899). Le fameux Saint Martin de Saventhem, ce délicieux tableau que les nettoyeurs belges n’ont peut-être pas suffisamment respecté, et l’esquisse du Saint Martin de Windsor (collection Ch. L. Gardon) représentent la période antérieure au voyage d’Italie. Encore est-il possible que le tableau de Saventhem, — objet de la plus sentimentale et de la plus fausse des légendes, — ait été peint après la réinstallation du maître à. Anvers. Un charmant Mariage mystique de sainte Catherine (collection Sprague, Chicago), aux teintes fondues de pastel, aux lignes pleines de grâce, date des années italiennes. Enfin les grandes toiles : l’Extase de saint Augustin (église des Augustins, Anvers), les Calvaires de Saint-Rombaut de Malines et de Saint-Michel de Gand, les Mises en croix de Termonde et de Courtrai (cette dernière fut volée, il y a près de deux ans, et retrouvée après une odyssée héroï-comique) sont de la période flamande (1628 à 1632). On ne saurait cacher qu’elles impressionnent médiocrement ; leurs tonalités sombres et mornes, leur pathétique maniéré, la faiblesse même des compositions nous mettent bien loin de Rubens qui, à cette époque, concevait des odes religieuses colossales telles que son Mariage mystique de sainte Catherine. Reynolds s’était enthousiasmé pour le Calvaire de Saint-Rombaut au point de déclarer que c’était « le plus beau tableau du monde ! » D’où vient la déchéance de cette peinture ? Nous réclamons aujourd’hui un mysticisme plus puritain ; en outre, bien des œuvres de van Dyck ont depuis poussé au noir, et particulièrement celles de Malines et de Gand. L’émotion originale peut s’être ainsi évanouie. Le tableau des Augustins, très sombre aussi, conserve pourtant je ne sais quelle richesse veloutée en intime harmonie avec l’élégance recherchée des figures. Car, pour la grâce des types et des attitudes, van Dyck reste toujours van Dyck, dans les tableaux d’églises comme dans ses portraits, et là sans doute est la raison de son prestige sur les maîtres du XVIIIe siècle qui se reconnaissaient si bien dans son génie de délicatesse.

Le Christ de van Dyck, affiné, douloureux, faible, est plus original et fut plus longtemps imité que celui de Rubens. La Vierge du tableau de Malines dégage un charme profond, un attrait irrésistible de tristesse harmonieuse. Le seul rival de van Dyck à cette époque pour la grâce et le goût était un autre maître flamand, le sculpteur bruxellois François Duquesnoy,